Quelques jours à peine après la primaire socialiste, se tient un scrutin dont les médias parlent peu. Pourtant, ce vote concerne près de 3 millions de fonctionnaires, des enseignants de l’éducation nationale aux infirmières des hôpitaux, en passant par les postiers, les magistrats, les contrôleurs du fisc et même les chercheurs du CNRS… Inutile de dire que le contexte d’atomisation sociale risque de peser très lourd. Originellement, la notion même de service public constitue l’un des remparts essentiels de la République contre le «chacun pour soi», les inégalités, les divisions. Seulement voilà, au royaume de la prospérité pour les financiers et de l’austérité pour les salariés, les valeurs constitutives du bien commun sont progressivement jetées aux orties. Les logiques budgétaires pèsent de manière disproportionnée sur la définition des missions de l’État.
Alors que la paupérisation de la population augmente à une vitesse exponentielle et que les services publics, au sens large, devraient se renforcer pour atténuer les détresses et réduire les fractures béantes d’un pacte social martyrisé, c’est tout le contraire qui se produit. N’en déplaise à la droite sarkozyste, le service public n’est pas désincarné. Des hommes et des femmes le font vivre – et un esprit l’habite. Or ces personnes et cet esprit sont aujourd’hui atteints, gravement blessés, victimes des avanies quotidiennes. Une catastrophe pour la société tout entière. Dans leur grande masse, ces salariés sont au bout du rouleau, débordés, accaparés par les sous-effectifs, tous plus ou moins confrontés aux «privatisations rampantes», à la précarité croissante, aux CDD rémunérés au lance-pierres, à la flexibilité toujours accrue, à la pression de la «rentabilité», avec son lot de dépressions, de tentatives de suicide… Victimes du talon de fer du gouvernement, des financiers, du FMI, de dirigeants serviles et même de la médiacratie ambiante dévouée pour «vendre» aux populations l’inéluctabilité de l’austérité. Les mêmes mots pour tous, «réduction des coûts», «retraites au rabais», «baisse des investissements publics»… Sans s’interroger – ou si peu – sur les origines de la crise, sur les possibilités de croissance et de développements, sur la manière de résorber les déficits dans un temps long, débarrassée des diktats et des soumissions, en mettant au pas les banksters, en réformant la question du crédit, etc.
Entrer en résistance contre ce monde des marchés financiers – qui doivent leur survie aux États ! – est une urgence absolue. Car les vautours, eux, n’arrêtent pas. Les menaces contre la France formulées par l’agence de notation Moody’s, et la panique qui s’en est suivie, témoignent, si cela était encore nécessaire, de l’incroyable perte de maîtrise de nos destins collectifs. Ne cherchez pas les nouveaux maîtres du monde, qui règnent sans partage sur le juteux marché de la notation financière et s’arrogent le droit de mettre la campagne électorale française «sous surveillance» : ils s’appellent Standard & Poor’s, Fitch et Moody’s. Ne cherchez pas les vassaux de ces colonisateurs invisibles, jamais les derniers à s’agenouiller devant les intérêts du privé : ils ont pour noms Sarkozy, Merkel, Zapatero, Cameron, Berlusconi et consorts. «Notre destin se joue dans les dix jours», a déclaré Sarkozy, volontairement alarmiste. Comme en Grèce, les premières cibles des plans d’austérité du gouvernement Fillon sont les serviteurs de la fonction publique, puis le peuple dans son ensemble. Il est temps d’arrêter cette folie. Mais ne le cachons pas : face à la plus formidable rage de destruction sociale depuis la Libération, ce n’est pas une simple «sortie de crise» qu’il faudra imaginer et encore moins une «alternance» sociale-démocrate mâtinée de compromissions, mais bel et bien un changement de société radical !
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 20 octobre 2011.]
(A plus tard...)
1 commentaire:
Qui paie ces agences de notation? d'où proviennent leurs fonds? quel est leur mode de fonctionnement? qui les dirige? qui sont les "juges" de ces agences? en bref quelle est cette nébuleuse qui dirige désormais les états et bientôt le monde...Heureusement que partout les indignations et les révolutions sont en marche car il faut absolument se révolter contre ce dieu fric et cette mafia financière qui nous pourrissent la vie! PAT
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