Le Français Pierre Rolland s'impose au sommet de l'Alpe d'Huez, au terme d'une 19e étape émouvante. Thomas Voeckler perd son maillot jaune. Andy Schleck est le nouveau leader. Mais Cadel Evans est le favori du contre-la-montre de Grenoble, samedi…
Depuis l'Alpe d'Huez (Isère).
Et dans les toutes premières rampes de l’Alpe d’Huez, «titi» Voeckler craqua. Subitement. C’était tellement attendu, annoncé depuis si longtemps, que lorsque l’instant survint dans toute sa brutalité, il fallut au chronicoeur un bon moment pour y croire. Il n'y eut aucune injustice dans ce sentiment ambivalent. Juste l’inéluctabilité dans sa sauvagerie, et, surtout, l’inéluctabilité dans son évidence... Notre roman de Juillet s’acheva soudain à l’antépénultième page. Comme un goût d’inachevée. Une furtive impression de vaste déception. Seulement voilà, si le cyclisme révèle les comportements humains et les met à nu, le cyclisme «normal» (qu’on pardonne l’expression) possède en lui une vertu immuable que la moralité devrait honorer sans relâche: face aux grandes heures, on ne peut pas tricher… Voeckler était à sa place. Et les cadors, tous les cadors, à la peine!
Vaincu donc, Thomas Voeckler, avec son immense courage en bandoulière et sa joie rehaussée du travail réussi. Un travail énorme que la France du cyclisme, inventive et innovante, n’oubliera pas de sitôt. Car l’équipe Europcar de notre chroniqueur Jean-René Bernaudeau est un collectif si homogène et formateur désormais, qu’elle a eu l’intelligence, ce vendredi 22 juillet dans l’ultime étape de montagne (109,5 km) entre Modane et l’Alpe d’Huez, via une nouvelle montée du Galibier, de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Et autant dire les choses sans avoir peur de se tromper: devant la situation désespérée de son maillot jaune, Bernaudeau a donné «carte blanche» à un coureur dont nous n’avons pas fini de parler!
Connaissiez-vous Pierre Rolland avant ce Tour de France? Equipier modèle de Voeckler depuis des jours et des jours, il est, aux yeux de Lance Armstrong, observateur ironique du rendez-vous de Juillet, la véritable «rock-star» de l’édition 2011. Le septuple vainqueur a vu juste. Hier, Rolland a non seulement remporté l'étape de l'Alpe d'Huez, une première pour un Français depuis Bernard Hinault en 1986 (!), il a non seulement revêtu le maillot blanc du classement du meilleur jeune, mais, tenez-vous bien, il a tenu la dragée haute à Alberto Contador (engagé dans un raid absolument désespéré) et Samuel Sanchez (nouveau porteur du maillot à pois), avant de les déposer dans le final pour aller quérir des lauriers de prestige et, accessoirement, la toute première victoire tricolore du Tour 2011. Comme le disait Bernaudeau: «Pierre n’a pas gagné une étape du Tour, il a gagné à l’Alpe d’Huez!» Le destin a juste voulu que le grimpeur d'Europcar décroche la plus belle victoire de sa carrière le jour où son leader voyait son rêve s'évanouir… Un emblématique passage de témoin?
«Je travaille pour vivre de pareils moments», déclara simplement Rolland, secoué par l’émotion. Avant de préciser, à tous ceux qui, depuis longtemps, attendent de lui monts et merveilles: «On ne m'a pas laissé beaucoup de temps pour faire mes preuves. Mais je n'ai pas encore 25 ans… Je vais tout faire à l’avenir pour travailler, travailler encore pour essayer un jour de gagner le Tour et surtout essayer de n’avoir aucun regret le jour où j’arrêterai le vélo…» Un sportif d'exception se cachait derrière ses mots. Mais un champion rare venait de naître à 1850 mètres d'altitude.
Après cette étape haute-fréquence, ce fut comme prévu le chamboulement complet au classement général. Si Andy Schleck s’est emparé du maillot jaune devant son frère Frank (2e à 53''), Cadel Evans (3e à 57'' seulement) n'a pas perdu la moindre seconde sur ses principaux rivaux. Avant le contre-la-montre individuel de samedi (42,5 km), l’Australien, spécialiste du genre, peut évidemment rêver de victoire finale. Quant à Thomas Voeckler, il se retrouve 4e à 2’10’’…
Tout à sa joie après l’éblouissante démonstration de l’équipe Europcar de Jean-René Bernaudeau, le chronicoeur se gardera d’émettre le moindre pronostic concernant le vainqueur final sur les Champs-Elysées… Pour l’heure, il savoure à sa juste mesure le retour d’un cyclisme plus humain. Qui osera encore en douter?
(A plus tard…)
1 commentaire:
«Rolland est preux et Bernaudeau est sage», comme dirait Victor Hugo. L'épique espéré a été au rendez-vous.
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