Tous les témoignages que nous recueillons le confirment. Depuis sa création, l’établissement public né de la fusion ANPE-Assedic se montre incapable de répondre à l’afflux de nouveaux chômeurs. Plus grave, il vit lui-même une crise sociale et morale sans précédent. Pôle emploi ? Synonyme de drame social pour les demandeurs, de drame professionnel pour les agents, comme en témoignent les tentatives de suicides qui se sont dramatiquement accélérées ces derniers mois… Conditions de travail épouvantables. Visites aux entreprises ajournées. Plate-forme téléphonique sous tension. Report des rendez-vous avec les inscrits. Agents débordés, auxquels on demande de gérer les conséquences de la crise économique, avec une remontée exponentielle du nombre de chômeurs – près de 4% en un an, soit près de 500 000 nouveaux inscrits… Néanmoins, en 2011, les crédits de fonctionnement seront gelés. Et 1 800 postes supprimés !
L’«amortisseur social» n’est plus qu’une expression vidée de son sens. D’où cette question à la fois simple et terrifiante : un individu auquel manquent les ressources minimales pour pouvoir conduire ses projets et être maître de ses choix est-il encore un citoyen ? La réponse est non. La gigantesque entreprise de dé-citoyenneté engagée par le sarkozysme et le Medef atteint des sommets. Non seulement l’intérim vient d’exploser de près de 14%, mais la part des CDI dans les rares emplois encore créés est désormais dépassée par le nombre de CDD. Cette précarisation croissante du marché du travail fragmente et désagrège les offres d’emploi. Quant à l’instauration de «l’offre raisonnable d’emploi», elle contraint les demandeurs à accepter n’importe quelle offre, loin de chez eux, quelques heures par semaine… Au royaume du néocapitalisme, le chômage de masse a bel et bien une fonction : faire pression sur les salaires et les conditions de travail, raréfier l’emploi, baisser les coûts, séquencer les horaires, déréguler les contrats, bref, développer un sous-prolétariat utilisé comme variable d’ajustement.
Chacun le constate. La radicalisation et la multiplication des phénomènes d’exclusion ne peuvent plus être masquées. Il n’y a plus «une» mais «des» fractures sociales, symbolisées par l’émergence d’économies «sauvages», telles que les nouveaux chiffonniers, et des formes inédites de précarité dont la catégorie des nouveaux pauvres, désorientation d’une frange de la jeunesse désormais sans promesses, dépourvue de repères éthiques, etc. La montée de telles incertitudes insulte l’avenir. Les simples protestations morales ne suffisent plus.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 7 décembre 2010.]
(A plus tard...)
1 commentaire:
Voilà. Tout est dit. Bienvenu dans la France de Sarko !!!
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