Vraiment à droite, la France qui vient?
A priori, le paysage médiatico-politique des derniers jours ne devrait pas nous inciter à l’optimisme. Entre la désignation de Valérie Pécresse à la droite de la droite LR, qui vient parapher la fin d’une certaine idée du gaullisme (pour peu qu’on y ait jamais cru), et le meeting de l’odieux Éric Zemmour, qui concentra à Villepinte à peu près tout ce que l’extrême droite peut offrir de pire, mélange absolu de haine verbale et de violences physiques mises en pratique, tout l’espace public nous apparaît broyé par les immondices d’une France rance et dégoûtée de sa propre destinée universaliste et républicaine. Soumis à la domination massive de l’émotivité conditionnée, le pouvoir de la Raison semble molesté par la magie du «live» et des thèmes imposés.
À une question près, néanmoins: l’ultradroitisation de notre pays est-elle une réalité si tangible que nous n’y pourrions rien? En somme, à cinq mois d’échéances électorales décisives, les citoyens français sont-ils vraiment hantés par le «grand remplacement» et toutes les thèses indignes scandées par les âmes sombres du poujadisme et du néopétainisme, quand bien même de nombreuses études viennent en contredire l’idée? La France qui vient ne ressemblera sans doute pas à ce que nous promettent les prophètes de malheur…
Ne confondons pas la puanteur des débats proposés par certaines chaînes d’information avec la réalité du corps social environnant, plus divers qu’on ne l’imagine. Si un positionnement «à droite toute» inspire beaucoup d’esprits, n’oublions pas que les «valeurs de gauche», elles, continuent de progresser régulièrement – et de manière très structurée parmi les jeunes générations. Une récente étude d’EVS (European Values Study) montrait par exemple «une hausse des valeurs de tolérance et d’égalité» en France, tandis que notre société «devient plus permissive, moins conservatrice». Quant à l’attachement à la justice sociale, il demeure essentiel pour plus de 70% de nos concitoyens, sans parler de l’aspiration à la «solidarité», au «partage des richesses», à «l’intervention de l’État», à «la réduction des inégalités», etc.
Une espèce de «socle commun» se trouve là, sous nos yeux, à portée de mains collectives. À contre-courant des idées reçues, les dynamiques de fond de la société française ne sont pas forcément là où la majorité des projecteurs posent leurs faisceaux.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 7 décembre 2021.]
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