mardi 19 octobre 2021

Surenchère

Quand la droite et son extrême, poussés par les nationalistes, ne nous parlent que d’immigration et d'ordo-libéralisme.

Les moments de surenchère, à ce point délirants, démagnétisent l’intérêt général et abîment la politique. La pente est à l’excès, aux débats détournés qui passent en boucle sur nos petits écrans bonapartistes – loin des principales préoccupations des Français. Alors que nos concitoyens se disent inquiets par leur pouvoir d’achat, les bas salaires et l’avenir de leurs dépenses énergétiques, les représentants de la droite et de son extrême, poussés par les nationalistes, ne nous parlent que d’immigration comme cause de tous nos malheurs, de «grand remplacement», mettant à l’agenda de toutes leurs propositions l’ordo-libéralisme le plus agressif qu’on puisse imaginer, quitte à enfoncer toutes les barrières de la vérité. Une course folle, sur un océan de sondages démonté. Indigne d’un début de campagne.

Les idéologues décrispés n’hésitent plus à se livrer tels qu’ils sont. Ici, on réhabilite Pétain au nom d’une «civilisation» soi-disant en perdition, avec les bons prénoms qui vont avec, et le racisme ordinaire qui l’accompagne. Là, on propose de rouvrir un bagne dit «démocratique» aux îles Kerguelen. Ailleurs, on propose ni plus ni moins de supprimer 150.000 postes dans l’administration, de privatiser à outrance des pans entiers de ce qu’il reste de nos biens-communs et de repousser l’âge du départ à la retraite à 65, 67 ans. N’en jetez plus!

Ce climat ne durera pas. Pour une raison simple: les Français souffrent pour de tout autres raisons. Et ils l’expriment massivement. Plus des trois quarts d’entre eux, selon une étude Opinionway pour les Échos, redoutent une flambée des prix des produits alimentaires, du logement et de l’énergie. Et seul un quart des sondés déclarent avoir «confiance» dans l’action du gouvernement pour en limiter les effets. Impitoyable réalité. Tandis qu’on voudrait accaparer notre attention par un histrion néopétainiste, le monde capitaliste, lui, poursuit son chemin. N’oublions pas que le patrimoine des 500 plus grosses fortunes de notre pays est passé de 11% du PIB en 2010 à 43% en 2021…

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 20 octobre 2021.]

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