Les arriérations de l’époque voudraient nous inciter à croire que la lutte sociale – pour ne pas dire la lutte des classes – serait devenue vieille lune. La belle affaire. Le mouvement de contestation en cours contre la réforme des retraites nous prouve tout le contraire et nous éclaire sur un point fondamental. Quand un mouvement ouvrier populaire redevient central, la caste nihiliste peut être repoussée dans les cordes. Le point de retraite a joué en point d’accroche, révélant une colère profonde et légitime: l’inaltérable exigence d’égalité, celle qui secoue l’âme de notre pays, et élève les foules comme les consciences.
Nous ne venons pas de nulle part. Ce 11 février, anniversaire de la mort d’Ambroise Croizat (en 1951), un hommage sera rendu à l’Assemblée nationale au créateur de la Sécurité sociale et du système des retraites. Cette initiative des députés communistes ne consiste pas à se gargariser de nostalgie, mais bien à réfléchir et à s’engager pour que cet héritage et cette «vision» de la société nous inspirent encore. Il est en effet question, ici-et-maintenant, de politique, de philosophie, de vie commune et du sens profond que ses mots recouvrent pour notre à-venir. Exprimons-le clairement: il y a soixante-quinze ans, nos aïeux du CNR, communistes, gaullistes, syndicalistes, réinventaient à la Libération un pays ruiné par des années de guerre. Une idée centrale prévalait, qui les dépassait tous et qu’incarnait Croizat à lui seul: se tourner vers l’horizon, avec la matrice inaliénable de penser à une vie meilleure pour les générations futures – le propre de notre destinée humaine, n’est-ce pas ? En 2020, pourtant, c’est comme si les premiers de cordée réclamaient tout le contraire et envoyaient un message mortifère à nos enfants et à leurs descendants: «Après nous, le déluge!»
Nous ne l’acceptons pas. Non seulement nous devons préserver l’œuvre de Croizat, mais les propositions ne manquent pas pour améliorer le système actuel des retraites, le seul pouvant garantir cette «universalité» dont se gobergent les plus éminents membres de l’exécutif. Ces derniers ne manquent d’ailleurs pas une occasion pour se revendiquer de Croizat et de «l’esprit» du CNR. Honte à eux. Les libéraux veulent supprimer définitivement le collectif concret, cette fameuse répartition qui érige un principe : les choses essentielles de la vie de tous doivent rester la propriété de tous. Tel est le legs de Croizat. Notre bien commun.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 11 février 2020.]
1 commentaire:
Je partage intégralement cette contribution e pour cette anniversaire de la mort d'Ambroise Croizat.
Un personnage attachant, humble mais un homme qui défendait avec ardeur l'homme, le citoyen, l'ouvrier et qui vivant d'avenir pour la classe ouvrière; il était un inventeur social et la Sécurité sociale était son œuvre vivante comme les Comités d'entreprises et bien d'autre chose encore.
On en peu faire parler les morts mais on peut s'inspirer d'eux et d'un militant de la cause sociale qu'était Croizat et sans aucun doute il nous dirait d'aller de l'avant en ce moment et de se battre pour empêcher la destruction de la Sécurité sociale et d'envisage plutôt de la mettre dans le aujourd'hui comme i l'a fait dans le réel de la libération.
Merci pour ce texte et merci à l'huma qui publie régulièrement des contributions remettant à l'honneur cet homme d'état, ce ministre des travailleurs et non ce ministre du travail comme me disait un vieux camarades qui l'avait connu.
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