Écrire aujourd’hui que les universités françaises traversent une crise profonde relève de l’euphémisme. Accueillant une bonne partie des élèves de l’enseignement supérieur, elles ne parviennent à en diplômer qu’un pourcentage assez restreint, alors que la qualité des diplômes ne cesse d’être décriée sur l’autel du sacro-saint «marché de l’emploi», sans parler des évaluations scabreuses –souvent scandaleuses– qui les classent à des rangs internationaux indignes d’un pays comme la France. Pour Sarkozy, l’autonomie totale des universités devait tout régler. C’était même, selon la doxa élyséenne, l’aboutissement le plus éclatant d’une des réformes phares de son quinquennat.
Bilan? Une colère à tous les étages ou presque, des déboires budgétaires à la pelle, une sous-dotation, un sous-équipement, une détérioration des conditions de travail et l’aggravation flagrante de la dualité du système français actuel: paupérisation des universités et réussite concomitante des grandes écoles et de l’enseignement supérieur court… Le chef de l’État et Valérie Pécresse ont réussi le miracle –prévisible celui-là– de réunir tout le monde contre eux, des étudiants aux jeunes enseignants-chercheurs en passant par l’essentiel des mandarins, de droite comme de gauche d’ailleurs. Le dogmatisme, la démagogie, l’incompétence, l’improvisation, les malfaçons et l’insuffisance financière sont les maîtres mots de cette «réforme» bâclée et bien plus pernicieuse qu’il n’y paraît, car elle ne relève évidemment pas que de la crise de l’institution universitaire en général, de la place et du rôle du savoir et de l’intellectuel dans la société globalisée. Elle témoigne d’une volonté politique sournoise qui consiste à mettre en concurrence les individus, les établissements et même les régions, avec pour but ultime des distinctions de contenus des savoirs et des formations différenciées selon les territoires et les publics visés. Voilà le dessein de Sarkozy: que l’éducation soit à l’image et au service du monde du travail financiarisé.
Alors qu’il est plus que jamais urgent de se détacher de la conception de la recherche universitaire et scientifique qui vise à fournir les bases de la compétitivité économique mise en place par les traités européens ultralibéraux, reconnaissons que l’éducation nationale version sarkozyste n’est pas qu’une simple «faute politique» doublée d’une «erreur d’analyse». Elle repose d’abord et avant tout sur un socle idéologique: moins de moyens et moins de personnels, des professeurs inégalement formés pour des écoles aux objectifs différents. Car voyez-vous, le président du Fouquet’s n’aime pas l’égalité républicaine, alors, pourquoi accorderait-il de la valeur à l’égalité des chances, l’un des piliers de la République? Sa frénésie accélère la contre-révolution néolibérale: pilotage par les objectifs, rentabilité, partenariats avec le privé, autorité, flexibilité, etc. Ces contre-réformes subies par le système éducatif s’apparentent, elles aussi, à une guerre de classes. Elles élaborent sans le dire un futur salariat clivé, apeuré par la montée de la précarité et du chômage. Et surtout, elle risque de former un salariat sans culture commune. Cette division entre citoyens réduit les formes collectives d’actions et tente d’éloigner sur le long terme toute perspective de transformation de la société. N’en doutons pas : l’éducation est l’un des enjeux de civilisation les plus fondamentaux qui soient. À la fois pour l’à-venir de nos gamins et des prochaines générations, mais aussi pour éviter un monde d’hommes passifs et corvéables souhait…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 6 janvier 2012.]
(A plus tard...)
8 commentaires:
Cela fait plaisir de lire l'expression "contre-réforme", on lit trop souvent dans l'Huma "réforme"...
joli blog,bon travail
bon continuation
Bien vu: en effet, l'école est un maillon de la construction de l'être-capitaliste passif. Merci pour cette lecture.
"nous pouvons, dans l'Education nationale comme dans les autres services de l'Etat, faire mieux avec les mêmes moyens et ce n'est pas impossible"
ah ah ah je me marre !!!!!!!!!! la bonne blague ! pour connaître la fonction publique de l'intérieur non, ce n'est pas possible !!!!! et ça se dégrade, et c'est de pire en pire !!!!
Et pas mal le coup de "ne vous plaignez pas chers enseignants, vous serez moins nombreux mais ma priorité c'est de mieux vous payer" !!! Vive l'individualisme qui fait oublier les enjeux sociétaux !! J'espère que ces techniques de manipulation, qui sont tellement grossières, ne fonctionneront pas cette fois-ci !
Ce donneur de leçons a-t-il pensé à diminuer le nombre de ses ministres? à supprimer les commissions de ceci ou de cela? à supprimer tous les postes qu'il a créés à traves le monde pour recaser ses petits copains? à diminuer le nombre des députés au lieu de l'augmenter comme il vient de le faire ? à reduire ses déplacements? à voyager en train au lieu de son super avion accompagné de quelques Falcons? Si Sarkozy avait la moindre pudeur, il se ferait tout petit et se tairait enfin . Je ne le supporte plus !
MICHELE
Notre Président est innénarrable!
Pour diminuer les dépenses publiques, que n'est-il prêt à faire?
Pour augmenter l'inefficacité ministérielle, aussi!
A quoi sert ainsi ce Ministre des "Français à l'Etranger" avec tout son appareillage de Conseillers, chargés de Mission, Secrétariat pléthorique, appartements de fonction, voitures avec chauffeurs, services de protection et ... j'en oublie sûrement!
N'est-ce pas un service du Ministère des Affaires étrangères - le Consulat - qui en a la charge?
Là, M. Le Président ne lésine pas sur la Dépense ... publique, pourtant totalement inefficace!
Mais il a des amis à placer!!!
La Paille et la poutre !
Monsieur le Président de la République ne connaît sans doute pas la Fable dont ces mots sont la conclusion!
L'Education est un Investissement, Monsieur le Président de la République; un investissement d'Avenir!
Dans quel Etat comptez-vous laisser la France!
Votre Modèle serait-il M. Orban ?
Oui, l'éducation est l'un des enjeux fondamentaux de la civilisation.
Tous le disent et le répètent. Mais beaucoup la négligent: parents, politiques, enseignants fatigués.
Le drame de l'éducation, c'est-à-dire, du procès de séparation de l'individu de son sujet, de ses passions-pulsions, de ses habitudes, de ses idéologiques c'est l'école elle-même.
Laquelle et cela est le sens des réformes entreprises depuis 40 ans, a renoncé quasi-officiellement à opérer, quasi au sens chirugical, dans le sujet pour lui infliger la castration symbolique, pour le discipliner, le dresser, le soumettre dans l'askètéria à des batteries d'exercices, l'entraîner tel un sportif à répéter les gestes, les préciser, apprendre des textes et les déclinaisons par coeur.
L'école libérale et libérée s'est délestée de cette fonction traditionnellement accomplie par le maître sur l'élève lui-même. L'instituteur devenu professeur élabore le "contrat pédagogique avec l'élève. Rien à voir avec l'Émile.
L'élève ou plutôt l'enseigné que la société libérée des tabous et de la puissance paternelle a divinisé (il est devenu le centre du système scolaire au détriment de l'impératif généalogique) n'a plus qu'un seul devoir à accomplir: apprendre par lui-même s'il en est habité du désir. Sinon, tant pis et débrouille-toi!
Ah! ici, dans cette école publique démocratisée et démonétisée- pourtant Dieu sait qu'elle coûte à la Nation, c'est tout le contraire de chez les jésuites. Là où l'on n'hésitait pas à brûler les étapes, où l'on apprenait latin et grec en CM1, où l'enseignement du sport et de la musique étaient privilégiés, où la télévision et internet ne faisaient pas concurrence déloyale à la lecture.
L'école est devenue l'ennemie de l'éducation. Son organisation, son empire centralisé, son autarcie, sa selfishness, le paritisme syndical, son refus de l'imitation et du modèle, etc., font que les jeunes en sortent par masses entières à peine dégrossis, à peine instruits, à peine éduqués. Voilà la réalité.
Une réalité aggravée par la politique conduite en France au nom de l'Europe et de l'OCDE par la caste intouchable des apparatchikis de l'État français.
Cette réalité malheureusement comme celle de beaucoup d'autres domaines essentiels à la reproduction des générations et donc de la vie humaine est niée, refoulée par le discours politique. Discours élaboré sur la place publique et martelé dans la tête des citoyens.
En 2012 PLUS FORT QUE LEURS INJUSTICES, NOS SOLIDARITES! PAT
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