Excès. Les médiacratiques « modernes » - ces ego qui hurlent et hantent nos nuits noires - poursuivent leur travail d'apeurement et de désinformation, astreints, puisque engagés dans leur nihilisme névrotique, à en rajouter sur leurs outrances qui assèchent l'intelligence et les postures critiques. Leurs propagandes de masse procèdent par juxtaposition. L'époque l'autorise. Depuis quelques années, par un glissement d'autant plus sournois qu'il s'accélère, les chiens ont été lâchés. Et au prétexte qu'il fallait en finir avec le « politiquement correct » (mais lequel ?), ces idéologues décomplexés, ces aboyeurs de la haute qui rongeaient leur frein ont commencé à tout se permettre. Ou presque. Il faut dire que l'orgie verbale crasse et vulgaire du « j'ose-tout-quand-je-veux », depuis 2007, a trouvé en Nicoléon un ambassadeur de choix à côté duquel les excès n'en sont plus. Processus limpide. D'abord? Singer le prince-président en prenant sa roue, bien à l'abri, comme dans un groupe d'échappés sur les routes du Tour. Et puis? Profiter de l'aspiration, prendre quelques relais et oser enfin le cavalier seul pour tester la résistance des citoyens transformés en simples spectateurs. Dans l'air du temps-de-crise, où tous les repères ont vacillé sous les assauts de l'atomisation sociale, où toutes les peurs dominent, où toutes les stigmatisations ressurgissent, les trouvailles captées dans l'actualité par les nostalgiques de la réaction, par les revanchards de la morale, par les petits marquis de la pensée de surface, ont aisément cacophonisé le paysage. Cette surenchère glauque, par doses successives, a enfoncé toutes les frontières de la mesure, comme une accoutumance. Á partir de quel moment passe-t-on d'une drogue douce à une drogue dure? Puisqu'il nous faut envisager ce qu'il reste du journalisme médiacratique comme une croyance - disons l'une des dernières croyances d'une époque qui se pense incroyante -, constatons que ce journalisme-là ne « pense » plus ce qu'il relate ou montre, mais « croit » uniquement ce qu'il commente. Un déversoir pour prêcheurs. L'alibi est connu :
«Jamais les médias n'ont à ce point été débarrassés des idéologies.» Mais que constate-t-on? Que les dogmatiques ultra-droitiers pullulent là où la parole compte, là où la surexposition favorise le matraquage doctrinal, bref, là où l'apparence du « débat » tient lieu de formatage des consciences. Leur profession: réactionnaires et néonationalistes. Leur vocation: banaliser les idées de la Vieille France barresienne et vichyste, et, si affinités, pourquoi pas valoriser quelques thématiques lepénistes.
Ménard. Le seul avantage (sic) de ce climat pourri? Au moins les masques tombent. Aux Rioufol, Zemmour (condamné pour provocation à la haine raciale), Lévy, Godet et autres Brunet (liste non exhaustive), il convient d'installer désormais l'ineffable Robert Ménard. Et à une place de choix! Vous vous souvenez de Ménard? Mais si, l'agité des médias, ancien patron de
Reporters sans frontières qui dégainait plus vite qu'un M16 au point qu'on le soupçonna longtemps, à la tête de son organisation, d'avoir des liens avec quelques organisations secrètes sévissant outre-Atlantique. En ce temps-là, beaucoup (pas nous) lui accordaient un crédit professionnel, pour ne pas dire un passeport en moralité. On le disait «décidé», «prêt à tout» contre les dictatures afin de défendre la liberté de la presse. Pour un peu, certains l'auraient bien proposé pour le Nobel, lui l'ancien trotskiste capable de défier la Chine face caméras avec un tee-shirt blanc et une plume dans le cul. Mais qu'apprend-on? Qu'en plus de sévir sur
RTL avec son copain Zemmour, il publie prochainement un livre au titre évocateur,
Vive Le Pen, par lequel il entend dénoncer
«la petite élite» (dont il est un notable notoire) qui, dit-il,
«traite les électeurs du FN comme des crétins égarés». D'ailleurs, que pense-t-il des électeurs du FN?
«Ce n'est pas que je les comprends, c'est que je les approuve.» Et d'ajouter pour ceux qui auraient mal entendu:
«Je dis que j'approuve sur un certain nombre de points l'analyse de Marine Le Pen.» Sans ambiguïté.
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Ménard : direction à droite toute. |
Tâche. Séduit par Mitterrand, totalement converti à Nicoléon vingt-cinq ans après, le voici aujourd'hui maurrassien et lepéniste. Vous en doutez? Son livre débute ainsi:
«Oui, vive Le Pen ! Comme une bravade, comme un gant jeté au visage de ce monde de la presse qui joue les matamores face au Front national. (...) Il ne s'agit pas ici de défendre Le Pen, père ou fille, mais de dénoncer cette traque de tout ce qui est supposé exprimer sympathie ou même vague intérêt pour des idées, des analyses qu'il est si aisé de proscrire d'un retentissant, ''facho''.» Les néofachos ne se cachent plus, l'heure est même à la décontamination de l'extrême droite. L'histoire en témoigne: les réacs, les vrais, ont rarement boudé leurs extrêmes.
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 8 avril 2011.]
(A plus tard...)
6 commentaires:
Merci pour ce beau texte, combatif et "vivant". Oui, la résistance est engagée, plus que jamais. On a besoin du plus grand nombre pour ne plus se laisser faire.
Et ce qui nous inquiète vraiment, c'est qu'ils sont de plus en plus nombreux...
Regarder ce que vient de déclarer Jacques Stouvenel, Président de la Commission Football Loisir de Paris, dans un courriel adressé à l'ensemble de ses adhérents dans lequel il reprend à son compte une version raciste et homophobe des événements survenus lors de la dernière Coupe du Monde en Afrique du Sud.
En voici quelques extraits : « Tout a commencé alors que Ribery, Anelka, Evra, Abidal insultent ouvertement son homosexualité (car oui, visiblement c’est officiel, Yohan est Gay): hey la fiotte va chercher les ballons ; hey Yo, n’oublie pas de prendre un chasuble rose pour t’échauffer (true story) certains prennent sa défense mais sans rentrer dans le conflit. Par ailleurs 2 clans s’opposent: ceux qui pensent que Domenech et la et qu’il faut faire avec (Gourcuff, Toul, LLoris en tête, en gros tout les blancs de l’équipe), alors que les noirs disent qu’il faut le dézinguer. (…) J’ai également appris que les noirs de l’Equipe (Gallas, Evra, Abidal) avaient demandé expressément qu’aucun maghrébin ne soit retenu dans la sélection. out Benz, Benarfa et Nasri! (…) Enfin bref, une putain d’ambiance chelou depuis des mois et des mois avec un vincent lagaffe au rabais en la personne de Ribery qui pensait pouvoir prendre les choses en main ajouté à ça Evra qui se trompe de combat, les anti-gay, les anti-arabes et en somme une bande de black racistes et voila le résultat!! »
La honte...
Journaliste, une belle profession qui ne mérite pas un tel opportunisme, une telle soif de pouvoir(s) loin de l'éthique et de la plume d'un JAURES par ex... A l'ère de la médiOcritique les idées contaminées par les extrêmes ont une fâcheuse tendance à sévir aussi dans la bulle médiatique....c'est dommage pour la démocratie...merci, JED, de le rappeler, il faut être vigilants...PAT
Comment en est-on arrivé là ? Voilà la vraie question que tout républicain devrait se poser sérieusement? Comment le glissement s'est-il opéré, si brusquement, si brutalement ?
Merci pour ce texte - et il en faudra d'autres.
Il faut absolument lire l'excellente enquête de Maxime Vivas : La face cachée de Reporters sans Frontières, De la CIA aux Faucons du Pentagone, édition Aden, 2008, 266 pages, 20 euros
Expliquez nous donc la différence idéologique entre:
-une extrème gauche dogmatique,prônant ou imposant la position du Missionnaire et se réclamant de Darwin d'une part
-et une extrème droite adepte de la bonne parole,pratiquant la position du missionnaire et se réclamant de Darwin d'autre part
Comment les distinguer au travail ou au bureau de vote?
Ne vous étonnez donc pas si certains votent tantôt extrème gauche,tantôt extrème droite,mais est-ce encore de la politique?
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