Domination. Arrêtons là l’énumération sans fin. Non sans avouer que la séquence médiacratique et politique que nous vivons depuis dimanche dernier nous a embarqués sur des terrains aussi complexes qu’ambivalents, puisque les scènes d’exhibition vulgaire de cet homme déchu en quelques heures resteront à jamais gravées dans notre conscience collective. Non pas uniquement pour ce qu’elles montrèrent crûment ; mais bien pour ce qu’elles nous suggèrent comme mise en abîme d’une époque accommodante pourquoi pas révolue. À condition de préciser un point fondamental : nous fallait-il pré-instruire le procès d’un séducteur? Car enfin, entre des avances trop pressantes et une accusation de viol avec séquestration, il y a tout de même un monde… Comme bien d’autres, en effet, nous détenions et détenons toujours des informations assez étayées concernant les mœurs de DSK (et quelques autres), mais, à aucun moment jusqu’à ces faits, nous n’avions entendu parler de «violences». Pour autant, devrait-on se placer du côté des proches de l’ex-directeur du FMI, dont beaucoup se sont étonnés d’accusations «contraires» au «profil» de leur ami. Pierre Moscovici : «Je n’imagine pas Dominique forcer les choses.» Si la réalité dépasse souvent l’imagination, la plupart de ces prises de parole ont entretenu de nombreuses idées reçues autour des violences faites aux femmes. Non, il n’y a pas de profil type d’auteur d’agression sexuelle! Et si nous avions besoin d’une preuve que le modèle patriarcal mâtiné de machisme reste dominant, relisons avec attention l’une des phrases de Jack Lang prononcées soixante-douze heures après les faits : «Ne pas libérer une personne qui propose de payer une importante caution ne se fait jamais aux États-Unis, car enfin, il n’y a pas mort d’homme !» Vous avez bien lu: «Il n’y a pas mort d’homme.» Si la présomption d’innocence est sacrée, qu’en est-il alors de l’intégrité de la victime supposée? Jack Lang ne sait-il donc pas que le viol ou la tentative de viol sont d’abord inqualifiables moralement, mais, surtout, qualifiables dans le droit pénal. Pour les États-Uniens comme pour les Français, il s’agit d’un crime. Et pour tout dire d’un crime pas comme les autres, en tant qu’il demeure une implacable «machine» à indignité, conséquence directe de la domination (physique et/ou sociale) d’une personne sur une autre.
Personnalisation. Les images ont valeur de piloris modernes et la pseudo-transparence du temps qui est le nôtre – lécher, lâcher, lyncher – ne peut que nous donner la nausée. Seulement voilà, à l’heure où l’«exception sexuelle» française vient de subir un rude coup, on voudrait nous faire croire que s'éteint sous nos yeux éberlués l’opposition quasi philosophique entre une Amérique du «sexuellement correct» qui confondrait vie publique et vie privée, et la France «républicaine» attachée à les séparer… Mais n’oublions pas que l’essentiel est ailleurs. À sa manière, DSK incarnait toutes les dérives idéologiques socialistes. Or, jusqu’à maintenant, il n’avait été l’objet que d’analyses très élogieuses des éditocrates coalisés – et pour cause, «ils» pensent la même chose. Pourquoi n’avons-nous lu que très rarement (sic) des enquêtes en éthique des idées? Ce DSKgate illustre la personnalisation à outrance de la vie politique, accentuant au-delà de toute raison le caractère dramatique de cet événement. Ultime question: sera-t-il désormais aisé pour ceux qui rêvent de représenter le peuple de prétendre approcher les hautes fonctions sans afficher une grande modestie et, surtout, sans revendiquer une certaine fidélité au serment de leurs engagements?
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 20 mai 2011.]
(A plus tard...)
4 commentaires:
Depuis l'arrestation de DSK par la police américaine, on ne peut pas ouvrir un journal ou regarder un journal télévisé sans être abreuvé par cette affaire, y compris dans 'Huma". Comme si c'était un événement exceptionnel touchant la terre entière alors qu'il s'agit d'une affaire de moeurs comme, malheureusement, il y en a tous les jours sur les cinq continents.
Au moins ça fait du bien de lire autre chose que des banalités sur "l'affaire"...
Le site "atlantico" bien prononcé a droite nous dit que les test ADN ont été fournis à la police française, impliquant formellement DSK.
FAUX/ La police newyorkaise n'a pas donné ces infos. Tout cela devient vraiment n'importe quoi: Slate le news en ligne prend ses infos sur foxnews: Bravo! Quand les médias sauront se taire?
Ne peuvent-ils attendre et enquêter avant d'affirmer ce qu'ils ignorent?
Alors merci pour cet espace de réflexion...
Je tiens surtout à saluer la fin de cet article. Ducoin écrit : "Ultime question : sera-t-il désormais aisé pour ceux qui rêvent de représenter le peuple de prétendre approcher les hautes fonctions sans afficher une grande modestie et, surtout, sans revendiquer une certaine fidélité au serment de leurs engagements?" Je trouve cette idée vraiment importante pour les mois qui viennent. Merci.
DSK : la justice financiarisée et la profusion de vraies-fausses news judiciaro-politico-médiatico-policiaro mais surtout mondialement médiocres sont indécentes par rapport à ce qui se passe ailleurs : Japon, pays arabes, espagne, sécheresse en France etc....on semble hypocritement découvrir ce qui a toujours existé dans le monde politique (se renseigner aussi auprès des élues politiques femmes!...), professionnel, privé etc... tout ce(s) déballage(s) donne une image ridicule de la France! espérons toutefois que cette affaire fera évoluer la cause des femmes...PAT
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