L’affaire est sérieuse. Les postures ambiguës au sein de l’UMP, voire les rivalités franches, prouvent que les équations symboliques de la République volent en éclats au cœur même de cette «droite nationale» – comment l’appeler autrement ? – en voie de recomposition avancée. Plusieurs élus UMP déclarent d’ores et déjà qu’ils voteront FN. Beaucoup d’autres, alignés sur la ligne du chef de l’État, refusent l’idée d’un «front républicain» au prétexte qu’il «validerait» la thèse d’une confusion «UMPS». Non seulement cette explication donne quitus à Le Pen, mais, plus grave, elle accrédite l’idée que le FN serait devenu un parti républicain… Est-il nécessaire de rappeler dans ces colonnes que l’extrême droite lepéniste se caractérise, entre autres choses, par un anti-républicanisme viscéral totalement incompatible avec l’idée universelle du vivre-ensemble ? Sarkozy et ses affidés, en pleine (in)conscience, semblent prêts à brader les derniers fondamentaux d’une République souillée. Banaliser les propos et la montée du FN ne leur suffisait donc pas : ils sont prêts à perdre leur âme et leur honneur !
Nous ne sommes pas les seuls à réclamer un sursaut républicain et citoyen d’ampleur. Mais un sursaut qui dépasserait les mots et les postures d’indignation. Car la France va mal, très mal même, comme le signale avec gravité le futur-ex-médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, dans son ultime rapport : «le service public ne porte plus son nom ; nous vivons le choc des égoïsmes, le populisme», etc. Il n’est plus l’heure de se demander pourquoi tout l’appareil d’État et de la médiacratie rampante a réussi le tour de force de dérouler durant des mois le tapis rouge sous les pieds de Le Pen, lui permettant de surfer à sa guise sur la crise économique, sur les ruines d’une France en atomisation sociale avancée, sur le pourrissement du sarkozysme, sur les misères du monde libéral ou les méfaits de l’Europe… Nous connaissons les ressorts extrêmes. Sans l’idée d’un destin collectif et d’une espérance politique véritable, seules dominent les peurs et les humiliations…
Ne nous racontons pas d’histoire. La responsabilité de la gauche, de toute la gauche, est immense pour réinstaller cette espérance crédible, quitte à bousculer brutalement l’hégémonie du PS, trop accommodant avec le carcan du libéralisme : la nouvelle menace du «pacte de compétitivité» européen en est une illustration hélas tragique… Face à la plus formidable rage de destruction sociale depuis la Libération, ce n’est pas une simple «sortie de crise» qu’il faut imaginer, mais bien un changement de société. Un changement radical.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 23 mars 2011.]
(A plus tard...)
1 commentaire:
Vous écrivez les mots "âme" et "honneur" perdus dans la déchéance politique qui tient lieu de feuille de route au gouvernement qui ruine notre pays et met la France à genoux socialement...le supplément d'âme qui vous honore politiquement, philosophiquement, historiquement, socialement....dans vos écrits est le contraire du vide politique et du trop-plein d'enrichissement personnel de quelques familles de riches et de nos gouvernants. Ce seul programme de carriérisme et d'individualisme les guide. Loin de l'âme, loin de l'honneur et surtout loin du peuple....PAT
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