Emmanuel Carrère
est accusé, dans
le Royaume,
d’abuser du « je ».
Ils. Rassurez-vous, le bloc-noteur ne défendra pas ici toutes les excroissances de la littérature en tant qu’exception (culturelle) totale sinon définitive, même si le romancier seul possède sans doute cet art coutumier d’utiliser la «clé des portes closes» (Louis Aragon), aptes à dévoiler la réalité, puisque, chacun devrait le savoir, «il n’y a pas de vérité, il n’y a que des histoires» (Jim Harrison). Pour répondre à la question, à laquelle il ne s’était peut-être pas assigné : où est la frontière entre la littérature et le réel?, Emmanuel Carrère a donc décidé, dans le Royaume (POL), d’entretenir l’ambiguïté. S’agit-il d’un roman? D’un essai? D’une enquête? La réponse importe peu, sauf pour de nombreux commentateurs qui souhaitent absolument faire la distinction entre ce que l’auteur «imagine», verbe fréquemment usité dans le livre, ce qu’il pense, et son souci, presque comme «un historien», de «démonter les rouages d’une œuvre littéraire», comme l’écrit Emmanuel Carrère lui-même.