Mais à quoi est donc due cette morbide dérive qui signe la trahison à chaque répétition? Il y a, dans les éclats crépusculaires d’un été finissant, quelque chose qui procède de la clarification. Dans le rôle du factotum libéral décrispé, demandez cette fois François Rebsamen, ci-devant ministre du Travail, poste qui, jadis, enivrait d’ambitions sociales n’importe quelle personnalité de gauche. Les temps changent, car voyez-vous, si le chômage continue de progresser, c’est sûrement que les chômeurs eux-mêmes portent une responsabilité. Voilà ce que pense M. Rebsamen, pour lequel la priorité serait de « renforcer le contrôle des chômeurs », puis de radier à tour de bras. Le problème n’est plus le chômage mais les chômeurs. C’est donc ça, un ministre socialiste? Stigmatiser, sanctionner pour faire baisser les courbes, utiliser une rhétorique thatchérienne?
À ce point de méconnaissance de la vie réelle des sans-emploi, les mots nous manquent. Jusque-là, le choix sociolibéral assumé rassurait le patronat et la finance, avec son cortège d’austérité, de baisse des «charges», de cadeaux et d’aides publiques aux plus puissants. Maintenant, prenons conscience que la conversion au libéralisme conduit le gouvernement Valls 2 à prôner l’autoritarisme social, donc à prendre la première porte à droite et à donner des gages idéologiques aux conservateurs, heureux d’apprendre qu’ils ont des partisans à la tête du ministère du Travail. La politique économique et sociale conduit la France dans le mur? Qu’importe, singeons Sarkozy, tapons sur les plus fragiles ! Sauf que ces derniers, s’ils descendaient dans la rue, pourraient bloquer le pays en moins de vingt-quatre heures. Chacun verrait alors si ces demandeurs d’emploi n’en sont pas.
Hier, en visite dans un établissement scolaire, François Hollande a refusé de réagir à la polémique. Faut-il contrôler davantage les chômeurs? «Les élèves quelquefois, oui», a-t-il répondu d’une pirouette douteuse. «Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir», disait René Char. Les socialistes sont désormais nombreux à les peupler, nos souvenirs.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 3 septembre 2014.]
TRIERWEILER se prend pour BEAUMARCHAIS qui disait que quand le déshonneur est public la vengeance doit l'être aussi...ceci dit je me doutais que notre dernier petit monarque républicain n'aimait pas les "sans dents", lui le "sans âme"...le chef de la chasse aux chômeurs, le chef du banquier ministre, un jour les sans-dents lui feront mordre la poussière électorale... PAT
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