dimanche 17 juin 2012

Lance Armstrong : l’imposture va s’achever, enfin !

Le septuple vainqueur du Tour de France est rattrapé par la justice sportive américaine. Une nouvelle enquête en cours pourrait bien chambouler les palmarès cyclistes. Que penser de ce coup de tonnerre?

Le livre que j'ai publié sur Armstrong,
en 2009 (éditions Michel de Maule).
À défaut de toujours frayer une place en philosophie, 
le cyclisme permet de lire l’âme humaine comme dans un livre ouvert. Témoins d’une époque de métamorphose des corps, de modifications sanguines et génétiques, accouchée dans l’horreur des pires prédictions du bio-pouvoir et de l’homme-machine à performer, nous regardons avec lucidité la sortie de route peut-être définitive de Lance Armstrong. Tandis que l’Agence américaine antidopage déclare détenir les preuves que l’Américain, septuple vainqueur de la Grande Boucle, 
fut un grand tricheur, un mot nous vient à l’esprit, un mot qui résonne presque comme un cri: enfin!

Le cyclisme avait-il besoin de la mondialisation d’abord, d’Armstrong ensuite, pour sombrer dans le produit du modèle anglo-saxon? Jusqu’au dopage «scientifique» des années 1990, avec sa substance phare, l’EPO, le vélo avait plus ou moins préservé son onctuosité poétique, protégeant jusqu’à l’orgueil cette fraîche bataille des «hommes de loin qui vivent près de chez nous», comme l’écrivait Blondin. Ce fameux Tour d’enfance projetait encore sur ces champions une part de nos fantasmes d’émancipation. Pour le chronicœur-suiveur, ayant quelques bouteilles au compteur, comment ne pas croire qu’Armstrong et ses congénères, complices ou semblables, nous ont trahis? Prenons bien conscience de ce que furent les années «Armstrong»: avec ces hommes sans foi ni loi, qui ont raturé la définition même de la légende des Géants de la route, le cyclisme a cessé d’être un sport spectaculaire pour devenir un spectacle sportif, symptôme et produit d’une société capitaliste qui ne vit que pour (se) vendre. Tôt ou tard, les imposteurs de l’histoire doivent rendre des comptes.

[ARTICLE publié dans l'Humanité du 15 juin 2012.]

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