Tandis que le débat continuait de faire rage hier au Sénat et que le gouvernement tentait de passer en force, notre Monsieur Soubie se montra plus réac que jamais : «Je trouve qu’il est totalement irresponsable que des adultes en situation de responsabilité dans certaines organisations invitent les lycéens à aller dans la rue pour le sujet des retraites.» Sous-entendu : chers parents, vous n’êtes pas dignes de l’être… Mais nous n’avions encore rien entendu. Histoire de racler les fonds de tiroir idéologiques, ce fut au tour de François Fillon en personne d’entrer en scène. Et qu’osa dire notre premier ministre lors d’une visite à l’École militaire, à Paris ? Pardonnez la longueur de la citation, mais il faut le lire pour le croire : «Il y a quelques jours j’ai rendu visite (…) à une dizaine de blessés de l’Afghanistan. (…) Il n’y en a pas un seul qui ne m’ait pas dit qu’il n’avait qu’une seule envie : rejoindre le plus vite possible son unité pour continuer à servir son pays. Dans une société qui parfois donne le sentiment d’être plus revendicative que constructive, ces dix blessés m’ont donné un formidable message d’espoir et une très grande leçon de courage.» C’est clair. Pour Fillon, les millions de manifestants et autres grévistes, à l’image d’ailleurs des 71% de Français qui les soutiennent, sont ni plus ni moins des traîtres
à la patrie !
À quatre jours des mobilisations du 12 octobre, et alors que l’intersyndicale vient d’annoncer une nouvelle initiative le 16 octobre, l’insulte laisse songeur. Si la fébrilité explique souvent les précipitations verbales, nous ne croyons pas un seul instant que François Fillon se soit trompé d’objectif ni d’auditoire. Impatient d’accrocher une victoire de classe contre un acquis social majeur, tel un trophée de chasse, Nicolas Sarkozy semble en effet aux abois face à une situation plus incertaine que prévu. D’autant que tous les sondages confirment la lucidité des Français. Le dernier en date vient à point nommé : 71% des sondés souhaitent la suppression du bouclier fiscal et 64% d’entre eux se disent opposés à la disparition de l’ISF… Les puissants ont raison d’être inquiets. Le ton est donc donné par toute la Sarkozie : puiser dans les caniveaux.
Et pendant ce temps-là ? S’essuyant une nouvelle fois les pieds sur la laïcité, Nicolas Sarkozy a choisi d’aller brûler un cierge au Vatican en compagnie d’un autre conseiller du Palais, le politologue Patrick Buisson, ancien directeur de la rédaction de Minute et de Valeurs actuelles. Commentant devant Benoît XVI sa politique contre l’immigration clandestine, le chef de l’État a parlé d’un «impératif moral». Certains apprécieront…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 9 octobre 2010]
(A plus tard...)
Bravo DUCOIN ! Moi aussi je suis écoeuré par le pouvoir et ses dérives pétainistes, poujadistes -on n'a plus de mots... Merci de maintenir cette grande tension dans l'écriture, et surtout merci pour votre chronique du samedi, qui est, de loin, tout ce qu'on peut lire de mieux dans la presse en terme de réflexion. MER-CI pour ces bonheur de lecture !!!
RépondreSupprimerMarc C.
J'aimerais moi aussi que tous les internautes puissent lire, en effet, le dernier bloc-note de JED, qui parle admirablement bien du climat social actuel et pose quelques questions importantes. Procurez-vous l'Huma de samedi !!!
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