Ce vendredi soir, 3 juillet, bientôt minuit. Je profite d’un moment de répit pour exprimer, à distance, mon enthousiasme : ils sont rares dans le vélo, alors sachons saisir les moments de grâce quand ils se présentent…
Ce soir, mon collègue Eric Serres et moi avons passé un bon moment en compagnie d’un coureur français de l’équipe Bbox Bouygues Telecom, Saïd Haddou. L’homme, baroudeur et sprinter, a 26 ans et il vient d’enchaîner le Tour d’Italie, le Tour de Romandie, le Tour de Suisse… et le voilà au départ de la Grande Boucle. Un exploit physique pour ce grand type d’apparence fluette, au visage si doux et enjoué qu’on ne le croirait pas si dur au mal. Et pourtant.
La particularité de ce coureur, né au cyclisme au club de Clamart, sa ville natale, c’est bien son "origine", comme on dit. Héritier de l'immigration, ses parents sont Algériens, tous deux venus en France pour trouver du travail. Les temps furent durs pour eux, au coeur d'un quartier populaire. Et Saïd découvrit le vélo avec son frère (celui-ci est membre du club d’Aubervilliers), très tôt, dès l’âge de 7 ans. Depuis, il n’a pas lâché le guidon. Ni ses convictions. « Je ne suis pas le maghrébin de service, dit-il. Je suis Français, un point c’est tout. Mais je sais d’où je viens, voilà tout. D’un quartier populaire où j’ai vécu jusqu’à il y a peu, où j’ai appris les valeurs de la solidarité. » Saïd, capable également de dénoncer ceux qu’il appelle « les robots du peloton, capables d’arrangements avec l’éthique ». Et il l’affirme : « Moi, je n’ai pratiqué le cyclisme que par passion et jamais je n’aurai imaginé devenir pro. Et si je le suis devenu, c’est pour préserver ma passion, pas pour l’anéantir… »
Le coureur de notre chroniqueur Jean-René Bernaudeau (chaque jour dans l’Humanité) vise évidemment une victoire d’étape. Allez, soyons fou ! Imaginez un peu. Une victoire d'étape d’un coureur Français, prénommé Saïd, le 14 Juillet par exemple, jour de fête nationale !!! Peut-on imaginer plus fort symbole au pays de Sarkozy et des lois Hortefeux ? On a le droit de rêver, non ?
Voilà. Ce n’était qu’une rencontre parmi d’autres. Un petit moment d’échanges en toute intelligence avec un Forçat de la Route qui n’a pas oublié le sens de son métier et les valeurs populaires qu’il confère à ceux qui y croient encore et savent les honorer. Une rencontre intense et simple, de celles, rares, qui vous réconcilient avec le cyclisme que nous aimons tant. Certains soirs, au moins, nous savons pourquoi nous nous battons contre les mafias du vélo. Pour avoir la chance de rencontrer des Saïd Haddou !
Vous découvrirez très prochainement, dans l'Humanité, le portrait de ce coureur d'à-venir.
A plus tard…
Les coureurs français méritent vraiment d'être connus. Si on pouvait nous en parler plus souvent à la télévision, ça serait bien, et si possible pour ne pas seulement raconter des banalités. Merci.
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