Depuis ma prime scolarité, mon calendrier personnel, à peine entrecoupé par un service militaire, s’est toujours calqué sur celui du Tour. Il y a la perspective de juillet, et la mémoire de juillet. L’avant, l’après, puis vite, l’avant. Biorythme singulier du suiveur qui ne s’attarde pas à en raconter la prédominance de peur d’être incompris ou raillé.
Trop simple et trop compliqué à la fois. Il suffit juste de savoir et de comprendre que le Tour sert de fil conducteur pour dater les grands événements de la vie du suiveur. Chaque date historique s’associe immanquablement au nom d’un vainqueur. On ne dit pas « le retour du général de Gaulle au pouvoir », mais l’année « de Charly Gaul ». On n’affirme pas que 1989 fut l’année de « la chute du mur de Berlin », mais celle de « la victoire de Greg LeMond sur Fignon ».
Depuis 1903, le Tour est une sorte de calendrier de la mémoire, un agenda de sa propre histoire, un mémento universel.
Quant à moi, je ne dis pas 1999, première victoire de Lance Armstrong, mais bien l’année où je ne fis pas le Tour comme suiveur, la seule fois… Une année marquée au fer rouge. Maudite année.
Quand l’amour se transforme en aliénation, nous passons de l’onirique (la littérature et le temps-long) au prosaïque (la télévision et le temps court).
Sauf qu’en 1989, justement, je m’étais trompé. Croyant vivre le début de mon aventure avec la Grande Boucle, je ne pouvais évidemment pas imaginer que, en fait, j’en vivais la fin. Disons une « certaine » fin. Le « début » de la fin. La banalisation était en marche et, accessoirement, la banalisation de ma propre passion, aux yeux des autres : qui l’eut cru ?
L’épreuve se mondialisait, Jean-Marie Leblanc en prenait les commandes, le fric commençait de couler à flot (Tapie était déjà passé par là), les ordinateurs surgissaient et les suiveurs, comme une lente gangrène, délaisseraient peu à peu le suivi des étapes chaque jour dans les voitures au cul des coursiers, au profit de la télévision, bien installés dans les salles de presse, choyés par les villes accueil, petits buffets, boissons à volonté et cadeaux de bienvenue en prime.
A plus tard...
"Chaque date historique s’associe immanquablement au nom d’un vainqueur. On ne dit pas « le retour du général de Gaulle au pouvoir », mais l’année « de Charly Gaul ». On n’affirme pas que 1989 fut l’année de « la chute du mur de Berlin », mais celle de « la victoire de Greg LeMond sur Fignon »." Je crois bien que nous avons le même calendrier dans la tête... Les deux derniers chiffres de l'année en question me servent même de moyen mémo-technique pour retenir un numéro de téléphone quand je n'ai pas de quoi le noter...
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