jeudi 28 juillet 2022

L’indécence des puissants

Les Français galèrent, mais, dans le même temps, les grandes entreprises du CAC 40 ont déboursé en dividendes 174 milliards d’euros à leurs actionnaires.

Les profits monte, la colère aussi… Il y a des moments dans la vie politique où nous nous demandons ce qu’il faudrait convoquer pour en finir avec l’indécence des puissants. Le « bon sens » ? Un peu de « justice » ? Et pourquoi pas la « morale », tant que nous y sommes ? Alors que, dans les foyers, les fins de mois difficiles voire impossibles rendent si rude la vie quotidienne, le gouvernement, aux abois et contraint à quelques compromissions avec LR et le RN, se félicite à cor et à cri du second volet de mesures sur le pouvoir d’achat adoptées à l’Assemblée… et conclut par un vote contre le sort des retraités. Tout un symbole. Pas de revalorisation des prestations ou pensions au niveau de l’inflation. Et refus catégorique de taxer les superprofits.

« Taxer » s’avère d’ailleurs un verbe assez impropre. Parlons plutôt d’imposition. Cela empêchera au moins Bruno Le Maire de déclarer : « Une taxe n’a jamais amélioré la vie de nos compatriotes. » Propos absurdes, mais passons. Reste une réa­lité : les Français galèrent, mais, dans le même temps, les grandes entreprises du CAC 40 ont déboursé en dividendes 174 milliards d’euros à leurs actionnaires. Les patrons de TotalEnergies, Engie, LVMH ou Carrefour vont bien, merci pour eux ! Ils sont sortis renforcés de la pandémie, ils bénéficient de la guerre en Ukraine et du « choc énergétique ». Bref, en toute impunité capitalistique, ils profitent de toutes les crises sans se soucier de la solidarité nationale. Ils ont même eu le toupet d’appeler les citoyens à « réduire leur consommation d’énergie », à commencer par celui de Total, qui a augmenté son propre salaire de 52 % en 2021, passant à 5,9 millions d’euros annuels. Jeudi, la compagnie a annoncé avoir plus que doublé son bénéfice net au deuxième trimestre, à 5,7 milliards, soit 17,7 milliards sur le seul premier semestre 2022. Sachant que le groupe n’aurait pas payé d’impôts sur les sociétés en France, ni en 2019, ni en 2020. Une honte.

L’imposition des superprofits figurait dans le contre-projet présenté par la Nupes, sous la forme d’une taxe exceptionnelle de 25 % sur les dividendes des sociétés pétrolières et gazières, des sociétés de transport maritime et des concessionnaires d’autoroutes qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros. Voilà l’une des réponses à l’urgence sociale absolue. Pas la révolution. Juste le début d’une nouvelle répartition des richesses… 

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 29 juillet 2022.]

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