L'opacité pèse sur les contrats passés entre l'Union européenne et firmes pharmaceutiques...
Vous avez détesté les retards de livraison, la production insuffisante des sérums ? Vous allez haïr l’opacité des contrats vaccinaux signés entre l’Union européenne et les firmes pharmaceutiques ! Tandis que la campagne de vaccination contre le Covid-19 laisse apparaître des défaillances béantes, les documents que nous publions sont sans ambiguïté : la Commission européenne, qui s’est pourtant lancée dans une stratégie ambitieuse aboutissant à la conclusion de contrats de préachats avec six groupes, s’est bel et bien couchée devant les Big Pharma. Mystères, secrets. Un véritable scandale.
Le manque de transparence, pointé par de nombreux eurodéputés, ne laisse aucune place au doute. Les versions expurgées des publications montrent ainsi que les éléments essentiels – les prix, les questions de responsabilité en cas d’effets secondaires renvoyées aux États – et les délais de livraison ont été noircis à la demande des Big Pharma. La Commission s’est pliée à ces exigences surréalistes. En vérité, dans le secret des alcôves, nos chers «négociateurs» ont lâché du lest, alors qu’ils devaient remporter un défi titanesque : vacciner plus de 450 millions de personnes dans 27 pays en un temps record, afin d’atteindre une forme d’immunité collective, seule manière de lutter efficacement contre la pandémie. Rappelons que le virus a déjà tué près de 500 000 personnes sur le continent…
Les documents révèlent une évidence, la pire de toutes. Alors que la prouesse scientifique de la découverte des vaccins a été soutenue par plus de 8 milliards d’euros d’investissement public des États et, au sein de l’Union européenne, par 2,3 milliards d’euros pour le développement des capacités de production, les entreprises pharmaceutiques ont profité de l’urgence de la crise sanitaire pour maximiser leurs profits. Pour ne prendre que la firme Pfizer, n’oublions pas qu’elle annonce déjà 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires lié au vaccin, en 2021…
À l’heure où des vies sont encore en jeu, ces « normes » de confidentialité – seconde nature des Big Pharma – s’apparentent à du cynisme. Il en est de même avec les brevets, bien protégés, donc ultra-rentables et source d’inégalités entre pays riches et pauvres. L’Europe avait un impératif moral ; elle a toujours rendez-vous avec l’histoire. Déjà manqué ?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 17 février 2021.]
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