mardi 21 février 2017

S’il vote Le Pen, le peuple vote contre lui-même

Le vote FN se structure dangereusement, même dans l’éventualité d’un second tour. Ce parti n’est pourtant que la négation brutale de l’esprit et l’agrégation de tout ce qu’il y a de pire.
 
L’Histoire nous l’a assez enseigné. En politique, quels que soient les moyens pour parvenir à ses fins, il n’y a jamais de «plafond de verre». Les sondages ne sont que des sondages, et s’ils ne disent qu’imparfaitement une éventuelle réalité à venir, les derniers en date nous glacent d’effroi, comment le dire autrement? À deux mois de la présidentielle, Marine Le Pen, favorite du premier tour, réduirait fortement l’écart sur son adversaire au second tour, que ce soit, pour l’instant, Fillon ou Macron. Celle-ci obtiendrait de 42% à 44%. Des scores inédits. Ces temps-ci, ni les casseroles monumentales qu’elle et ses affidés traînent derrière eux, ni son programme de haine, ni les nazillons qui composent son parti, ni même la peur de l’extrême droite enracinée pourtant dans notre trajectoire contemporaine, ne semblent freiner ce phénomène. Un phénomène à la fois compréhensible, hélas, vu la situation de pourrissement du pays, et si irrationnel, qu’il nous révolte à mesure que les semaines passent. Si le FN n’est que la négation brutale de l’esprit et l’agrégation de tout ce qu’il y a de pire, doit-on néanmoins s’étonner que Marine Le Pen s’avance gaiement, sans complexe et sans vergogne, proférant tout et son contraire, ratissant le plus large possible, quitte à se goinfrer de thèmes de gauche pour mieux semer la confusion, tout en laissant libre court à ses obsessions xénophobes associées à une critique du néolibéralisme de fraîche date? Terrifiante mécanique, propulsée par la droite elle-même depuis quinze ans, alors que la crise sociale nourrit les désespoirs les plus intenses et les catastrophes idéologiques qui vont avec. Que les pauvres, les sans-emploi, les faibles, les salariés ne l’oublient jamais: s’ils votent de la sorte, ils voteront d’abord contre eux-mêmes! Combien de fois faudra-t-il l’écrire?
 
Le traumatisme d’une France sens dessus dessous et d’une confiance abîmée par un quinquennat d’épouvante suscitera-t-il un sursaut démocratique et citoyen, un surcroît de pensée rationnelle, un combat de tous les instants? Pour le dire autrement: la gauche de transformation a du pain sur la planche et une responsabilité historique. Surtout en ce moment. Et en si peu de jours…
 
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 22 février 2017.]

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