samedi 18 juillet 2015

Un Belge mate la 13e étape du Four de France

Entre Muret et Rodez (198,5 km), la 13e étape a été remportée par le Belge Greg Van Avermaet (BMC). Ce fut une journée de tous les excès : ceux de la chaleur !
 
La chaleur sur le maillot jaune.
Rodez (Aveyron), envoyé spécial.
Et le vainqueur du jour porte un nom redouté par tout cycliste en herbe: canicule. Il fallait être sur la route du Tour, ce vendredi 17 juillet, à fureter devant le peloton, à pique-niquer entre la caravane publicitaire et les régulateurs de la course, pour comprendre ce que les chaleurs extrêmes produisent sur les organismes humains. De Muret à Rodez (198,5 km), le Tour aurait mérité d’être rebaptisé «le Four», parole d’un spectateur torse-nu croisé à mi-chemin entre Lavaur et Graulhet, qui, «exceptionnellement», disait-il, avait cette fois le mérite de «mettre beaucoup d’eau» dans son Ricard. C’était une foule venue encore en masse pour accueillir les coureurs sur l’une des plus belles étapes visuelles de cette édition, parfois le long du Tarn, dans un décor d’immensité alentour composé de plaines et de collines taillées par la main de l’homme. Le chronicoeur et ses passagers se sentirent le visage doux, les cheveux collés aux temps, comme emportés en avant, déjà aspirés par le vide de chaleur laissés derrière eux, négligemment embarqués par l’enthousiasme de ce Peuple du Tour qui ne se dément toujours pas.
 
Arrivant à Rodez, toisant d’un regard ému la cathédrale Notre-Dame (XIIIe siècle) et l’église Saint-Amans, ancien collège des jésuites, nous collions littéralement à la route par des températures à l'ombre approchant les 40 degrés. Nous pouvons d’ailleurs en témoigner, car nous l’avons vu. Le bitume chauffait tant et tant que la balayeuse «Gros Léon», chargée chaque jour de dépoussiérer l’asphalte avant le passage des vélos, était cette fois accompagnée d'un camion citerne contenant deux tonnes d'eau. Mission: arroser, rafraîchir et surtout durcir le bitume (nom de code : les ressuages).
 
Sur la ligne d’arrivée, les échappés du matin (dont le Français Cyril Gautier d’Europcar), voyaient leurs espoirs ruinés dans les cinq-cents derniers mètres, mangés par la tête du peloton. Le Belge Greg Van Avermaet (BMC) remportait la victoire d’étape, devant le Slovaque Peter Sagan, une nouvelle fois deuxième. Notons au passage que ce dernier donna la curieuse impression de stopper son sprint, alors que le succès lui semblait promis. Signalons également que cette étape fut marquée par la lourde chute de Jean-Christophe Péraud, à 62 kilomètres du but, jeté à bonne vitesse sur le flanc dans une glissade spectaculaire. Le coureur AG2R, qui vit un vrai cauchemar depuis une semaine, a rallié l’arrivée en sang, profondément entaillé par de nombreuses blessures (hanche, main, coude, avant-bras) provoquées par le goudron brûlant. Grande inquiétude pour les jours qui viennent...
 
Qu’on le sache également, le Tour n'en a pas fini avec les soupçons de dopage. Nous l’avons constaté le long des routes. Certains spectateurs brandissaient des calicots explicites, visant notamment le maillot jaune Chris Froome. «Tony (Gallopin) roule propre. Et toi Chris?» Autre exemple: «En super Froome... Mais comment?» Voire: «Sport de haut niveau: no doping please!» Ou encore: «Ici pas d’EPO, que du Mojito.» Le Britannique avait pourtant soigné sa communication. Au départ, le porteur du maillot jaune a en effet enfourché un nouveau vélo assorti à son maillot en or, avec des bandes jaunes sur le cadre ainsi que le dessin d’un rhinocéros – une évocation de son enfance au Kenya. Ce changement n’était toutefois pas qu’esthétique. Selon la firme Pinarello, ce vélo baptisé Dogma F8 bénéficie d'un profil «encore amélioré» et le cadre correspondrait au millimètre près à la morphologie du coureur. Espérons que les officiels de l’UCI ont réussi, dans la soirée, à contrôler l’homme et la machine en même temps, pour authentifier l’adéquation. Souvenons-nous que, la veille, après l’arrivée au Plateau de Beille, Froome avait peu apprécié la teneur de certaines questions lors de la conférence de presse. «Vous, les journalistes, vous donnez le ton pour le public, expliquait-il. Alors bien sûr que je suis touché par certains articles. Surtout que, je le répète, je suis clean et mon équipe est clean.»
 
Le chronicoeur ne pouvait achever sa journée ainsi et quitter la salle de presse sans un détour culturel. Mèche collée au front par la sueur et perdu dans les vertiges d’une courte échappatoire, il décida de poursuivre son périple en rêveries en visitant le musée consacré au peintre et graveur français Pierre Soulages, inauguré en mai 2014. L’enfant du pays a laissé ici une collection qui permet de découvrir le champ de ses créations, des origines à nos jours. Un monumental endroit, à la fois rafraichissant pour le corps et enrichissant pour l’esprit. Chaque coureur aurait dû s’y poser quelques instants pour prendre de la distance. Le maître Soulages disait: «Lorsque je reviens à Rodez, je me sens appartenir aux habitants de ce pays, ces paysans apparemment rugueux, mais très raffinés.» Rien à ajouter.

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