Vincenzo Nibali. |
Et ils se livraient soudain aux tortures de plus en plus désordonnées de leur effort. L’asphalte venait de prendre des teintes de feu et brûlait tout sur son passage, le décor et les corps, 37°, 38°: les chiffres fondaient sur l’écran digital de la voiture du chronicoeur. Les 177 rescapés de la 101e édition de la Grande Boucle, ce vendredi 18 juillet, allaient bientôt attaquer l’ultime difficulté de la 13e étape, disputée entre Saint-Etienne et Chamrousse (197,5 km). Comme ces scénarios pré-écrits à l’avance et récités mécaniquement, il fallut une nouvelle fois attendre le franchissement du col de la Croix de Montvieux, puis celui de la Palaquit (14,1 km à 6,1%), pour que nos yeux de suiveurs endoloris par la chaleur et l’absence de suspens puissent enfin s’attarder sur un début de bagarre promise depuis plusieurs jours. La montée vers Chamrousse, longue de 18,2 kilomètres à 7,3% de moyenne, provoquait tant de fantasmes qu’il aurait été décevant que rien ne s’y produisit. Disons rien d’intéressant pour le classement général.
Dès les hectomètres les plus pentus, ce fut donc le plaisir – le nôtre – des premiers essoufflements qui font trembler les sens. A 13 kilomètres du sommet, l’un des grands prétendants au podium final, l’Australien Richie Porte, transformé en leader de l’équipe Sky depuis l’abandon de Chris Froome, se figea dans le martèlement irréversible d’une pédalée agonisante. Il se sentit comme emporté en arrière, aspiré par le vide qu’on crée devant soi à l’heure de la défaillance. Une après-midi en enfer, à tutoyer les abimes de sa condition de cycliste. Le dauphin de Vincenzo Nibali au départ de Saint-Etienne, lâcha définitivement prise à 12,5 kilomètres du but. A la dérive, il allait concéder près de neuf minutes. Un gouffre.
Ce fut le premier événement de cette journée caniculaire. Le
second se résume à une phrase sous forme de question: Vincenzo Nibali,
déjà maillot jaune, a-t-il écrasé la concurrence? L'Italien s'est
en effet affirmé en patron absolu du Tour en signant sa troisième victoire d’étape,
hautement symbolique pour l’entrée dans les Alpes. A l'altitude de 1730 mètres,
il s'est imposé en solitaire, portant à 3’37’’ son avance sur son suivant,
l'Espagnol Alejandro Valverde, au classement général. Sur la ligne, le Sicilien
a précédé d'une dizaine de secondes le Polonais Rafal Majka et le Tchèque
Leopold König, qu'il a distancés à l'approche des trois derniers kilomètres,
sur la large route menant à la station des JO 1968. A 6 kilomètres de l’arrivée,
ils avaient vu revenir par l’arrière le maillot jaune, qui venait de se
débarrasser quelques instants plus tôt de ses deux compagnons, Thibaut Pinot et
Alejandro Valverde, le premier des favoris à avoir tenté quelque chose dans les
10 derniers kilomètres. Signalons que, derrière eux, Romain Bardet (AG2R) fut admirable de courage, sans parvenir néanmoins à trouver une collaboration
efficace dans son groupe. Le jeune grimpeur auvergnat (23 ans) a fini par
recevoir de l'aide de l'Américain Tejay Van Garderen, pour céder moins d'une
minute et demie à Nibali et une trentaine de secondes au duo Valverde-Pinot,
désaccordé dans la montée.
Sur la ligne, Nibali expliqua sans rire: «Je voulais surtout contrôler la
course et gagner un peu de temps. Je pensais surtout à distancer Valverde.
Cette montée était interminable, ça n'en finissait pas…» L’Italien a
donc désigné Valverde comme son adversaire principal. Il oublie – peut-être –
un peu vite que deux Français se trouvent dans les cinq premiers, Romain Bardet
, troisième, et Thibaut Pinot, quatrième. Une coalition verra-t-elle jour dès
samedi, entre Grenoble et Risoul? Les coureurs auront à escalader le mythique
Izoard. Dans ces montagnes ensauvagées, chaque virage se prête à l’inattendu.
Classement général après
la 13e étape:
1. Vincenzo Nibali (ITA/AST) 56h44:03.
2. Alejandro Valverde (ESP/MOV) à 3:37.3. Romain Bardet (FRA/ALM) 4:24.
4. Thibaut Pinot (FRA/FDJ) 4:40.
5. Tejay Van Garderen (USA/BMC) 5:19.
6. Jean-Christophe Péraud (FRA/ALM) 6:06.
7. Bauke Mollema (NED/BKN) 6:17.
8. Jürgen Van den Broeck (BEL/LTB) 6:27.
9. Rui Costa (POR/LAM) 8:35.
10. Leopold König (CZE/APP) 8:36.
Cher JED, je parie que Pinot peut gagne le tour dans les Pyrénées, et c'est ce qui va se passer. Nibali ne va pas tenir 3 semaines.
RépondreSupprimer(Merci pour tes articles.)