En termes de représentation symbolique et effective, jamais sans doute dans notre histoire récente des représentants syndicaux ne se sont rendus à ce point à reculons à un sommet dit «social». Preuve du climat de confiance à l’égard du pouvoir et plus globalement de la perception de son intentionnalité… Devant le cliquetis des aiguilles de l’histoire qui détraquent notre temps social universel, comment, en toute conscience, s’en étonner ? Censément, la convocation imposée par le chef de l’État avait pour ordre du jour d’établir «des mesures d’urgence de lutte contre le chômage». Et puis, comme souvent avec le ventilateur de l’Élysée, un coup tactique soufflant sur un autre, l’idée de ne pas attendre et de pousser l’avantage des contre-réformes à la faveur d’une actualité anxiogène – la perte du triple A – a été privilégiée. Nicolas Sarkozy a beau être un ordo-libéraliste de première, il n’en est pas moins lâchement opportuniste.
Les syndicalistes ont de quoi montrer leurs inquiétudes. Car ce mercredi risque de compter dans l’histoire des tragédies anti-République sociale. Le prince-président va en effet vouloir passer en force et imposer ce qu’il nomme improprement «réformes structurelles». D’abord exiger la mise en place de la TVA dite «sociale», bref une modification radicale du financement de la protection sociale. Et offrir – lisez bien – la possibilité aux entreprises de signer des accords «compétitivité emploi» de «flexibilisation du travail» en fonction de «la conjoncture économique»… Au Palais, les mots ont un sens et il est inutile, ici-et-maintenant, de se transformer en exégète des sémantiques élyséennes : chacun a compris la gravité de ces annonces.
Sarkozy, véritable oxymore à lui tout seul, n’aura cette fois nullement besoin de se raccrocher aux branches de ses propres contradictions rhétoriques, pas même pour justifier qu’il veuille s’arroger le droit de disposer des cotisations sociales, lesquelles appartiennent pourtant aux salariés… Ce qu’il va mettre sur la table n’est rien d’autre qu’une nouvelle étape dans la rupture avec le pacte social né au lendemain de la Libération.
Un conseiller d’un cabinet ministériel le disait hier hors micro : «La perte du triple A est une chance historique pour faire passer la pilule de la déréglementation généralisée du travail.» Bel aveu. À peine le glaive des marchés (Standard & Poor’s) est-il sorti de son fourreau, que, déjà, les petits vassaux de la finance l’enfoncent dans le dos du peuple ! Laurence Parisot peut se frotter les mains : «Je me réjouis qu’on poursuive notre adaptation.» La patronne du Medef le sait : l’enjeu de classes est de taille. Les puissants œuvrent pour anéantir définitivement ce qu’il reste des souverainetés populaires afin d’élaborer un futur salariat clivé, apeuré par la montée de la précarité, des temps partiels et du chômage. Diviser les citoyens pour éloigner toute perspective collective de transformation de la société.
La finance ou les peuples : notre avenir démocratique dépend de ce choix. Pour éviter que les marchés n’enfoncent toutes les digues, à l’image de la retraite à soixante ans, de la RGPP et des plans d’austérité, la France a besoin d’un nouveau rapport de forces. Quel autre candidat que celui du Front de gauche peut aujourd’hui desserrer l’étau des folies austéritaires ? Le vrai pouvoir n’appartient pas aux agences de notation mais aux agences citoyennes ! Contre le triple A, choisissons le triple R. Résister. Rassembler. Réussir.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 18 janvier 2012.]
(A plus tard...)
Merci pour les inventions suivantes:
RépondreSupprimerle triple RRR (génial)
les agences citoyennes contre les agences de notation (génial aussi)
DUCOIN a décidément beaucoup de talent pour trouver des formules ou écrire littérairement. Merci à lui. Merci à l'Huma. Et votons Mélenchon !!!
GISELE
Triple R : voilà un mot dont devrait s'emparer tout le Front de Gauche partout en France.
RépondreSupprimerTRIPLE R COMME REPUBLIQUE AUSSI. ON L'A PERDUE A SARKOLAND. ON VA LA RETROUVER BIENTOT. BRAVO. DU GRAND DUCOIN...PAT
RépondreSupprimer