mardi 13 septembre 2011

Folie(s) : l'incroyable retour médiatique de DSK...

Actualité. L’attente – l’oubli. Des jours offerts au hasard, à la fugue, au vague à l’âme à peine dilué dans les petits frissons de l’été finissant. Après les faux-fuyants plutôt apaisés de semaines bien longues à tourner sa plume dans l’encrier de l’impatience, le désir du bloc-noteur, à la manière d’un précipité chimique agissant sur la volonté, sort comme renforcé du silence imposé. Nous parlons là du désir d’en découdre, désir en grand qui chasse la mélancolie et attise les braises, bref de ce concept de désir dont l’absence chronique explique en partie l’ampleur de la panne républicaine… Même les épreuves du temps et de la vie ne parviennent pas à noyer la brutalité comme les absurdités de l’actualité surgissante dont le rythme ne s’essouffle plus. Et il n’a pas fallu attendre longtemps pour que, en effet, brutalité et absurdités se conjuguent à tous les temps…

DSK. Le week-end dernier, la France médiacratique a vécu l’un de ces moments de folie qui nous font douter de l’existence d’une raison collective – sans oser évoquer un éventuel «bon sens» corporatiste. Le «retour» de Dominique Strauss-Kahn en France, comme chacun l’a constaté, fut l’occasion d’un cirque médiatique aussi improbable qu’affligeant. Caméras, photographes, rodéo automobile, directs en boucle, éditions spéciales : de l’aéroport de Roissy à son domicile de la place des Vosges à Paris (il y a pire comme dépaysement, non?), une véritable meute en action s’est déployée pour coller aux basques de l’ex-patron du FMI. Durant des heures, les «alertes» et autres «live blogging» firent virer au rouge toute la blogosphère et même Facebook… Comment une information (banale mais digne d’intérêt) a-t-elle pu se transformer en un «événement» capable de tout écraser, alors que, précisément, il n’y avait rien d’autre à en dire? D’ailleurs aucune annonce n’accompagna ce retour scénarisé. DSK lui-même ne parla pas. Ni Anne Sinclair. Tout juste posèrent-ils avec délectation pour les caméramans et les photographes, nonchalamment, comme de vulgaires starlettes rentrant d’un long séjour aux Seychelles… Du coup, cette journée de frénésie médiatique se résuma par un vide sidéral… et les images surréalistes d’une Peugeot fendant à vive allure la circulation parisienne sous une pluie fine.

People. Inutile de répondre à cette question : combien de Français avaient réellement envie que l’ancien favori des sondages pour 2012 mobilise ainsi nos antennes, nos écrans et nos journaux? Nous-mêmes avons fini par nous imposer le dilemme : comment parler d’une actualité semblable pour dire qu’on en parle trop ? Au passage, comment ne pas être étonnés de voir une majorité de nos confrères adopter avec DSK un comportement qu’ils dénoncent assez fréquemment quand il concerne la presse people, sans parler de la fascination (malsaine?) des médias et de leurs lecteurs pour Anne Sinclair, la «fidèle-outragée» (sic), que certains, probablement atteints d’américanisme aigu, verraient bien tôt ou tard s’engager en politique à la place de son faillible époux. DSK en Bill Clinton? Anne en Hillary? On croit rêver!

Classes. Au fond, que restera-t-il de cette actualité d’un dimanche qui aurait dû être comme les autres, quand chacun aura perçu à son juste niveau l’irresponsabilité d’un pseudo «journalisme» devenu fou? Oui, que restera-t-il quand une majorité de citoyens aura pleinement analysé cette séquence orgiaque? Ceci: juste une mise en scène jouée et surjouée par quelques protagonistes incapables d’admettre qu’ils ont quitté le champ politique pour se vautrer dans le roman-feuilleton pour voyeuristes décervelés, à commencer par le couple lui-même, qui aurait pu rentrer discrètement mais préféra à l’humilité le débarquement tonitruant. Qu’on pardonne au chronicœur son excès d’indignation, mais tout de même! À moins d’être totalement amnésique ou dépourvu du minimum de pudeur requise, comment ces «journaleux» et leurs hiérarchies pouvaient-ils oublier qu’il s’agissait là d’un homme – pas n’importe lequel – accusé d’agression sexuelle sur une femme? Certes, après l’abandon des poursuites pénales, DSK n’est désormais mis en cause que dans une procédure civile. Et alors? Cela n’empêchera en rien la nécessité d’une probable prochaine réparation vis-à-vis de Nafissatou Diallo… À ce propos. Que celle-ci ait menti sur certains points prouve-t-il que DSK est innocent? Que celle-ci ait pu nouer de peu recommandables amitiés suffit-il à la disqualifier ad vitam aeternam? Posées autrement: une femme pauvre et noire (pour ne pas dire une «domestique») peut-elle être victime d’une agression sexuelle? Au moins une chose est sûre. L’attitude des médias cette semaine vient de nous ramener aux fondamentaux : le mépris de classe existe toujours…

[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 9 septembre 2011.]

(A plus tard...)

2 commentaires:

  1. Je partage cet avis, à 100%. Ne plus le voir depuis plusieurs jours à la télé fait un bien fou. Cette histoire a plombé et va continuer de plomber les socialistes. C'est évident.

    RépondreSupprimer
  2. Je partage les avis de JED et du commentaire prédédent. Toute cette histoire est lamentable et reflète la médiocrité d'une certaine presse et l'état d'esprit inquiétant de peopolitiques posant devant les paparazzis dans un univers luxueux alors que la plupart des français galèrent...tout ce barnum médiatique est indigne et ces peopolitiques n'ont rien à faire en politique...l'industrie du luxe cherche des représentants...qu'ils postulent!!! PAT

    RépondreSupprimer