mercredi 8 juin 2011

2012 : à propos de responsabilité

Puisqu’il convient désormais de parler de précampagne électorale (bien entamée comme chacun peut le constater), reconnaissons que le climat «moral» de ce début de joute politique a de quoi nous inquiéter. Alors que la perspective de 2012 devrait d’ores et déjà permettre les conditions d’un grand débat sur notre à-venir commun et les conditions pour réinventer le vivre-ensemble, une odeur nauséeuse pollue l’air du temps. D’affaires en affaires, d’accidents médiatiques en coups bas pathétiques pour alimenter ces «buzz» qui font la fortune des racoleurs médiacratiques en tout genre, sans parler des commentaires vides en analyses éditocratiques, nous sentons monter un ras-le-bol pouvant, hélas, détourner de la politique de nombreux citoyens qui auraient intérêt au contraire à s’y intéresser de près…

Les logorrhées actuelles nous éloignent de l’essentiel et, plus grave encore, diffusent cette forme nihiliste et suicidaire du «tous pourris» qui ne sert que l’ambiance minable du populisme et du lepénisme. Le monde est-il donc si chatoyant pour qu’on puisse ainsi ignorer la montée des périls sociaux et humains? Et la France, se porte-t-elle si bien après quatre années de sarkozysme, pour qu’on délaisse sans vergogne les sujets qui préoccupent ceux qui souffrent de la crise économique et de l’atomisation sociale galopante? On voudrait priver les citoyens d’un débat approfondi qu’on ne s’y prendrait pas autrement… Entre DSK et sa villa au loyer mensuel trois fois supérieur à un smic annuel (eh oui !), entre le supposé sexiste Tron et le possible délateur Ferry, entre toute la clique d’«experts» qui trustent tous les micros pour déblatérer leur «science» sur tout et n’importe quoi et un certain futur papa, qui, du Palais, prépare son plan de communication façon couches-culottes et lait en poudre, on voudrait hurler «assez!» sans même savoir si ce genre de cri reste encore audible par les temps qui courent…

L’époque reste paradoxale. Jamais le sarkozysme n’a été à ce point affaibli, comme le montrent inlassablement tous les sondages, et jamais sans doute n’a été aussi forte cette révolte qui monte des tréfonds, prenant toutes les formes imaginables. Pourtant, cette critique forte d’une société qui donne à une immense majorité l’impression «de vivre plus mal que jamais» s’accompagne d’un discrédit des partis politiques, de toutes les formations, y compris de gauche, qui prétendent incarner le changement tant souhaité. Le danger serait d’ailleurs grand de transformer la perspective de 2012 en un unique référendum anti-Sarkozy. Face à la plus formidable entreprise de destruction sociale depuis la Libération, toute idée de reconquête passe obligatoirement par un mouvement populaire massif se fixant pour objectif de désarmer les vautours de la finance, où qu’ils soient.

Au fond, ce n’est pas la seule «sortie du sarkozysme» ou une simple «sortie de crise» qu’il faut imaginer, mais un changement de société. Pour que l’espérance ne devienne pas, encore une fois, un désenchantement. En ce domaine, la responsabilité des communistes, réunis les 4 et 5 juin en Conférence nationale, et du Front de gauche est immense… Tous les citoyens progressistes ne veulent plus être déçus. Ils aspirent à un bouleversement profond, donc à la réussite d’une «bonne» gauche. Pour éviter qu’un Nicolas Hulot ne se transforme en Jean-Louis Borloo. Pour bousculer l’hégémonie du PS – et plus si affinité…

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 6 juin 2011.]

(A plus tard...)

3 commentaires:

  1. Ah, voilà qui est bien envoyé. Oui, vous avez bien raison : "toute idée de reconquête passe obligatoirement par un mouvement populaire massif se fixant pour objectif de désarmer les vautours de la finance, où qu’ils soient". Je n'ai rien à ajouter.

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  2. Ah !!! Que la presse bien-pensante est "ouverte" !!! Mais façon maison close comme aurait dit avec humour Raymond Devos !!!
    J'ai scruté tous ces jours les sites des éditocrates.. Le monde se singularise par son silence assourdissant... On a eu droit à tout: de DSK à Copé en passant par Tron et j'en passe.. puis s' épancher sur la grande peur du monde des affaires péruvien suite à l' élection de Ollanta Humala... Chez ces gens là !!! Mais PAS UN MOT sur la conférence du PCF, ses travaux et les perspectives.
    Ce journal réputé soit-disant impartial... devient comme tous les autres un journal de caniveau... Le monde reste ce qu'il a toujours été... un journal de la bourgeoisie soi-disant éclairée... mais au service de la pensée dominante.. HEUREUSEMENT L' HUMA EST LA

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  3. ce cri "ASSEZ!" doit être relayé sans cesse sur le terrain car pour notre gouvernement de casseurs de valeurs (les vraies, pas les leurs qui sont celles du fric...) il faut encore et encore taper sur les pauvres...bénéficiaires du RSA à 46Oe par mois par personne seule(le chiffre réel) et 56Oe pour 2 personnes ou une famille, en oubliant que l'un des siens sèche les cours pour la modique somme de plus de 4000 euros versés tous les mois pour rien soit 10 fois plus que le revenu mensuel du bénéficiaire du RSA! effectivement l'heure est grave....merci à JED pour ses écrits...un peu de bon sens humaniste,politique, philosophique et historique ça rassure..PAT

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