Combat. «Je suis allé partout dans le pays. Tous posent la même question : où allons-nous?» La citation de John Steinbeck (les Raisins de la colère) trône en ouverture du livre de Gérard Mordillat et de Bertrand Rothé, Il n’y a pas d’alternative (Seuil). Ce titre est la réplique exacte d’une phrase célèbre de Margaret Thatcher, ressassée et bêlée par différentes personnalités politiques, qui, depuis trente ans, nous abreuvent de la même rhétorique du renoncement. «Il n’y a pas d’alternative à la pause» (Delors). «Il n’y a pas d’alternative au plan de rigueur» (Mitterrand). «Il n’y a pas d’alternative aux privatisations» (Chirac). «Il n’y a pas d’alternative aux Restos du cœur» (le Conseil d’État, qui les reconnaît d’utilité publique). «Il n’y a pas d’alternative à payer les jeunes en dessous du smic» (Balladur). «Il n’y a pas d’alternative à la baisse de la fiscalité des stock-options» (DSK). «Il n’y a pas d’alternative à la baisse de la fiscalité des entreprises» (Fabius, succédant à DSK). «Il n’y a pas d’alternative à la disparition de l’entreprise Moulinex» (Pierre Blayau, PDG de l’entreprise qui la quitte avec 2 millions d’euros de prime). Longue liste… Dans cet essai vif et mordant, véritable réponse à la fondation Terra Nova et à ses tentatives de dés-ouvriériser la gauche, l’écrivain Mordillat et l’économiste Rothé partent sur les traces de la plus vaste entreprise de désidéologisation impulsée par les classes dominantes, pour lesquels «la mise en place de l’État-providence est un crime». Même en France? Les auteurs demandent: «Comment le village gaulois insoumis a-t-il pu devenir une province de l’empire néo-libéral ?» Étape par étape, ils montrent comment, de la Fondation Saint-Simon aux sphères de la gauche dite «moderne», l’accommodement au capitalisme libéral a été la norme imposée à tous. Ils écrivent: «Au rythme des "Je crois qu’on va dans le mur ” à “ Il n’y a pas d’autres moyens que de…” de Michel Rocard, il ne reste plus à la gauche que la fête, la lutte contre le sida et l’antiracisme.» Ou encore: «Une page noire de notre histoire est tournée. Le Nouvel Obs a pris sa revanche sur l’Humanité.» On pourrait croire à un livre nostalgique ou désemparé. Eux répondent : «Penser une révolution possible en France relèverait de l’utopie, voire d’une hérésie semblable à celle qui conduisit Giordano Bruno ou Galilée au ban de la société. Pourtant l’histoire leur a donné raison.» Alors? «Ne cherchons pas plus loin l’alternative.» Un livre de combat. Pour penser le monde autrement qu’en termes de concurrence et de profit. Qui dit mieux?
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 27 mai 2011.]
(A plus tard...)
En effet : elles sont bien arrangeantes pour les politiques ces "alternatives impossibles"...mais l'histoire des peuples hier comme aujourd'hui le montre : évolution rime aussi avec Révolution. J'aimerais, concernant les jeunes français , qu'ils soient aussi nombreux aux rassemblements d'indignés qu'aux fêtes d'après matchs gagnés ou aux apéros géants...en matière d'histoire des peuples rien n'est impossible...PAT
RépondreSupprimer