Les projets «éducatifs» des quatre dernières années composent un vaste puzzle destructeur dont on peut aisément reconstituer les morceaux : moins de moyens et moins de personnels, des professeurs inégalement formés pour des écoles aux objectifs différents… Et puisque Luc Chatel n’est plus à une provocation près, lui qui fut jadis DRH chez L’Oréal avant devenir cost-killer à l’UMP, il annonce qu’il va lancer ce mercredi une grande campagne de pub dont le coût devrait s’élever à 1,3 million d’euros. De la com pour vanter les mérites d’un plan de recrutement lancé par le ministre… alors qu’il maintient la suppression de 16 000 postes! Face à un tel degré d’aplomb et d’effronterie, alors qu’à Pôle emploi vient de se dérouler un surréaliste «prof dating» pour pister d’éventuels enseignants remplaçants, les mots doivent manquer aux personnels de l’éducation pour dire au plus près leur colère ou leur dégoût devant un tel cynisme politique. Car la situation des profs se dégrade à grande vitesse. Élèves qui ne les respectent pas et renvoient sur eux une part de la violence que subissent leurs familles ; hiérarchie qui les infantilise, ignore la détérioration de leurs conditions de travail, les sous-effectifs, etc.
Dans un contexte de grave crise des vocations, il n’est pas anodin de savoir que le nombre d’enseignants songeant à démissionner, jadis dérisoire, atteint désormais près de 35 % d’entre eux, que 49 % parlent d’un «manque de reconnaissance», que 75% expriment leur «ras-le-bol»... Les politiques libéralo-néoréactionnaires faites de «méritocratie», d’«internats d’excellence», d’«individualisation des parcours», d’«autonomie» nous programment une catastrophe absolue, faite de pénurie (de profs, de moyens, etc.) et d’inégalité à tous les échelons de la scolarité… Le sarkozysme n’aime pas l’égalité républicaine : pourquoi devrait-elle continuer de s’appliquer à l’école ? Même l’Association des maires de France, par la voix de son président, le député maire UMP Jacques Pélissard (!), vient de lancer un SOS. «Les maires font part de leur vif mécontentement», déclare-t-il, précisant que l’AMF allait «saisir le gouvernement pour demander qu’une analyse objective des besoins scolaires soit effectuée préalablement à toute décision de réduction d’effectifs». Malgré des départs à la retraite qui seront massifs dans les cinq ans, malgré le baby-boom de l’an 2000 à venir, Luc Chatel vient de confirmer le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Et l’on nous parle encore d’«égalité des chances»?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 30 mai.]
(A plus tard...)