Depuis Pauillac (Gironde).
Il dit aimer le cyclisme, le revendique à chaque occasion, s’en fait une gloire. Chacun doit s’y plier. Son entourage, ses conseillers, ses ministres, les Français et la terre entière... De loin ou de près, cette année, Nicoléon a collé au Tour comme rarement il l’avait fait jusque-là, dépêchant sur place des émissaires, quels qu’ils soient, quasi quotidiennement. Pour cet excès de passion, le prince-président aura un beau cadeau qu'il fera semblant d'utiliser comme d'habitude (coureur à pied peut-être, coureur cycliste jamais) : un vélo Trek Madone. Offert par Lance Armstrong en personne. Son ami. Son grand ami, qui a table ouverte au Palais et pour lequel rien n’est trop beau. Armstrong ? «Un courage magnifique.» Et quoi d’autre ? «Un champion exemplaire.» Et l'affaire Landis et le reste ? «Rien à déclarer.» Parole de spécialiste.
Voyez-vous, Nicoléon était sur le Tour, jeudi, reçu comme il se doit dans la voiture de direction par Christian Prudhomme, entre le Soulor et le Tourmalet, pour assister au duel Contador-Schleck. Loin de moi l’idée de critiquer la présence du chef de l’Etat sur les routes de la Grande Boucle : cette Institution-Tour, l’un des derniers théâtres authentiquement populaires, mérite et réclame les honneurs de la République, y compris les plus importants. Cela va sans dire. Hélas, au théâtre, il y a aussi des décors...
Et des décors, cette année, depuis le départ de Rotterdam, le pouvoir-suprême nous en a servis... Chaque jour ou presque, les suiveurs ont assisté, impuissants, à un ballet surréaliste de tout ce que l’UMP compte comme personnalités locales ou nationales. Des ministres aux élus, des dirigeants parisiens aux pontes régionaux, des femmes de responsables aux fils-fils à papa, tous y sont passés. Pour y être. Surtout s’y faire voir. Et prêcher le message officiel : sur le Tour on roule à droite. Pour un peu, la carte de l'UMP aurait été plus efficace que nos accréditations officielles pour accéder au village-départ et aux salons VIP...
Tellement que les deux ministres des Sports de tutelle en exercice, Roselyne Bachelot et Rama Yade, ont offert aux organisateurs le privilège de deux visites chacune (du jamais vu). Parmi beaucoup d'autres (liste impossible à établir), nous eûmes également l’insigne privilège de voir Eric Woerth, alias ministre du Travail, présent dans la voiture de Bernard Hinault, accompagné de son... épouse (aucune pudeur décidément). Woerth a appelé ça « un instant de détente » (sic). Pensez, avec tout le stress de l’affaire Bettencourt, quel meilleur terrain d'apaisement que le Tour… Monsieur le ministre y a signé des autographes le matin à Revel (vrai). Mais il a reçu des huées à la pelle le soir à Ax-3 Domaines (je vous assure). Le peuple du Tour, dans sa grande sagesse légendaire, ne réserve pas qu'à certains cyclistes ce rare privilège de la sanction verbale...
«Nous ne sommes que des locataires», explique Christian Prudhomme pour justifier ce bal des dirigeants quotidiens, qu'il ne peut évidemment refuser. L’autre jour, au départ de l’étape Les Rousses-Morzine, un confrère et néanmoins ami mais dont nous tairons le nom pour des raisons de discrétions et d'intimité (sic), eut le privilège de se soulager aux côtés de Xavier Bertrand, le patron de l’UMP. Scène surréaliste. Le journaliste : « Z’êtes pas un peu dans la merde avec l’affaire Bettencourt ?» Bertrand : «Pensez-vous, mon cher, on a connu bien pire !» Un petit Tour et puis tout va !
Sur les Champs-Elysées, prestige oblige, on annonce la présence de dix ministres au moins et de plusieurs secrétaires d’Etat. Mieux, les Français vainqueurs d’étapes seront reçus par Nicoléon au Palais vers 19 heures. N’en doutons pas, Gérard Holtz ou Laurent Jalabert ne seront pas loin pour recueillir la parole sacrée.
Franchement. Le peloton s'arrêtant à Colombey, en 1960, pour saluer le Général, c'était quand même autre chose, non ?
(A plus tard…)
Ducoin a bien raison de s'indigner des faits et gestes de l'UMP sur le Tour cette année ! C'était assez scandaleux. Une honte. Le Tour n'est pas de droite : il est Républicain et universaliste, comme nous l'a très bien raconté en il y a quelques années Ducoin dans son livre "Tour, une belle histoire?". Je le conseille à tous.
RépondreSupprimerMerci Jean-Emmanuel de réagir à cette arnaque médiatique. J'aimerais que beaucoup d'autres amateurs du Tour et citoyens de la France puissent lire votre article. Et savoir que l'on n'est pas tout à fait seul à se désoler, quand on craint de suivre une étape à la télé de peur de se retrouver au milieu d'un meeting ump, quand on souffre de ces commentaires pseudo républicains franchement propagandistes... quand on a mal au Tour, pire que toutes les affaires amstrongcadabrantes, devenu un jouet électoraliste.
RépondreSupprimerEn 2007 j'avais vécu pour la première fois cette dérive humiliante (après 38 ans je joyeux et fidèles services téléspectatoriaux aux antennes de la Deux et de la Trois)et je ne m'en suis pas encore vraiment remis. Oh! l'horreur de cette interview du nouvel élu présidentiel par un ancien cycliste que nous avions jusqu'alors apprécié. Oui horrible et humiliant, comme si être de Gauche n'était plus compatible avec notre passion cycliste...
Merci donc Jean-Emmanuel, aujourd'hui je me sens un peu moins seul dans mon blues du Tour.
Superbe article, je ne pensais pas que la présence du Roi et de son parti était à ce point forcée sur le Tour... déjà l'accueil aux footballeurs, puis aux cyclistes... Alors que les travailleurs qui font le PIB se font virer à la pelle, la vie du Roi semble bien rose avec paillettes...
RépondreSupprimerJalabert, un consultant ? .... Une serpillère, plutôt !
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