samedi 26 juin 2010

Conseil de lecture : la philosophie peut-elle aimer le football ?

Après les naufrages techniques, physiques, tactiques et intellectuels (sic), après les brûlures faites à l'esprit français (re-sic), voici un ouvrage dont j’ai, hélas, tardé à vous conseiller la lecture. Faute de temps, d'abord. Faute de volonté, aussi. Faute d’optimisme et d’enjouement, surtout…

Il faut dire que les épisodes franco-français, devenus contre toute logique une véritable «affaire d’Etat» par la seule volonté de Nicoléon, qui a non seulement eu le toupet de convoquer notre «titi» national (Thierry Henry) au Palais, mais a également demandé à sa ministre de s’immiscer dans les affaires fédérales… il faut dire, donc, que ces polémiques à répétition nous ont un peu éloigné de l’essentiel: le football mérite-t-il toujours notre attention? Et si «oui», pourquoi et comment?

Bonnes questions. Pour y répondre, ou tenter d’y répondre même sommairement, la lecture du livre de Gilles Vervisch, De la tête aux pieds (chez les dynamiques éditions Max Milo), devrait sinon vous réconcilier avec la geste sportive (allez, un effort), du moins vous emmener dans des raisonnements propres à la réflexion (faites-moi confiance). Fort du succès de son premier livre Comment ai-je pu croire au Père Noel (déjà chez Max Milo), Vervisch, pourfendeur des idées reçues et des jugements à l’emporte-pièce qui laissent peu de place à la contradiction, revient avec un second opus très surprenant. Et pour le moins d'actualité.

Raisonnement, humour, sens de la formule: tout y est. Un texte qui muscle la tête et revisite le «Mens sana in corpore sano» (un esprit sain dans un corps sain). Plutôt dans l’allégresse. Et avec les outils de la philosophie… Car Gilles Vervisch est philosophe. Et, comme nous, il pense que le sport – donc le football – est une chose trop importante pour la laisser aux professionnels de la profession... Si football et philosophie semblent n’avoir aucun rapport, et si la «métaphore du stade» si chère à Roland Barthes n’a rien d’une évidence pour une majorité de nos intellectuels, Vervisch tente de nous démontrer que le ballon rond, ses acteurs, ses scènes de jeu comme de vie collective, peut offrir des espaces d’intenses réflexions – à condition de les accepter pour ce qu'elles sont, rien de plus, mais rien de moins.

De la main d’Henry (contre l'Irlande) au coup de boule de Zidane (finale 2006), Vervisch refuse «l’intellectualisme» de classe qui refuserait le «monde réel» : le sport, ceux qui le pratiquent, son économie, ses supporters, etc., n’en font-ils pas partie ? Bien sûr, personne n’attend d’un footballeur qu’il «change le monde», qu’il donne son opinion sur tout et n’importe quoi, qu’il puisse même incarner un quelconque «espoir» d’élévation sociale, comme cela existait au milieu du XXe siècle, qu'il fasse encore sérieusement rêver les jeunes générations... Quant aux supporters, souvent bêtes et méchants (très bêtes et très méchants), ils rendent le foot insupportable, irregardable, souvent inexcusable… Alors ? Comment l’élitisme (supposé) de la philosophie peut-elle voisiner avec la vulgarité (réelle) du football professionnel?

L’auteur, né en 1974, n’est pas agrégé de philosophie pour rien. Il nous propose donc «sa» lecture du football sous la forme d’un décryptage en profondeur, de Diodore de Cronos à Aristote, en passant par quelques joueurs emblématiques ou quelques actes célèbres, voire, de manière plus anecdotique mais instructive, par Pierre Ménès, le trublion-chroniqueur de Canal +... Ainsi, le lecteur, passionné ou non, écoeuré ou non par les désastres du foot-business, ne regardera jamais plus un match comme il le faisait avant.

C’est œuvre utile, par les temps courent, d’observer avec d'autres yeux, d'autres références, l’hyperspectacularisation des théâtres sportifs vécus désormais en mondovision. C’est même indispensable. Pour Vervisch, sachez-le, le football mène à tout… à condition de s'en bien servir. Croyez-nous sur parole !

(A plus tard…)

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