Un hors-série exceptionnel de l'Humanité. De 1904 à 2022, nous retraçons de manière inédite les moments marquants de l'histoire de la sélection nationale, des grandes figures et du football français en général. Une autre histoire de France, ni plus ni moins… De 1904 à 2022, telle une trajectoire unique en son genre, jamais cette aventure du football de notre pays n’avait été racontée. En publiant un hors-série qui fera date, l’Humanité entend réparer cet oubli: 124 pages grand format, des centaines de photographies, une centaine d’articles, avec les contributions des meilleurs spécialistes du sujet, historiens, universitaires, auteurs, journalistes. Des origines à nos jours, ce travail collégial entend présenter cette épopée sous un angle inédit. Il s’agit non seulement de retracer les moments marquants de l’histoire des Bleus, mais aussi d’évoquer les grands dossiers du ballon rond qui surgissent au cours de ce long siècle, en plaçant au cœur de ces pages le joueur international au-delà de la fascination que peut provoquer une vedette populaire.
Rendons grâce à François da Rocha Carneiro, docteur en histoire contemporaine (Crehs, université d’Artois), qui débarqua un jour à la rédaction pour nous proposer ce projet un peu fou. L’idée originale lui revient, et ce ne fut pas un hasard. Auteur lui-même d’un formidable livre, Une histoire de France en crampons (éditions du Détour, 2022), récent lauréat du prix du document sportif, François nous a guidés sur le chemin de la connaissance approfondie, singulièrement celui qui remonte à la genèse du football français, au temps de l’amateurisme après la fondation du premier club sur le territoire, Le Havre Athletic Club, alors que le ballon rond commençait péniblement à se structurer. Où l’on apprend, par exemple, que la loi de 1901 sur la liberté d’association permit aux tout premiers clubs de disposer d’une assise juridique pour se développer, jusqu’à la création de la Fédération française, en 1919.
Guerres, grèves, colonisation, immigration : autant d’enjeux inséparables du spectacle des stades. Tant de victoires «fabuleuses», tant de défaites «mémorables» rythment les souvenirs collectifs de la France, tandis que les matchs et les trajectoires personnelles et intimes de nos Bleus écrivent, à leur façon, l’aventure intérieure d’un pays continuellement tourné vers l’universel. Qui se souvient de Pierre Chayriguès, plus jeune gardien de l’équipe de France de l’avant-professionnalisme? Qui a croisé le nom du sélectionneur Michel Simon, dirigeant zélé et intelligent, mort au front en 1915? Qui connaît encore Yvan Beck, le «Yougo», devenu français en 1933 durant la montée des fascismes, avant de s’engager dans la Résistance et les FTP?
Après l’avènement du monde professionnel, puis les soubresauts terrifiants de la Seconde Guerre mondiale, la suite est plus connue du grand public, lui-même devenu acteur essentiel de cette longue trajectoire « populaire et universelle », comme le relate Fabien Gay, le directeur de l’Humanité: «Si des sports ont des qualificatifs qui leur donnent un prestige (le noble art pour la boxe) ou que des compétitions rassemblent au-delà de leurs seuls amateurs, comme la Grande Boucle pour le Tour de France ou les jeux Olympiques et Paralympiques, c’est bien le football qui mérite de se voir apposer ces adjectifs.» Car nul autre sport n’est semblable, par son appropriation collective mais aussi par ses figures incontournables. Qu’aurait été le football français sans les « héritiers de l’immigration », les Larbi Ben Barek, Raymond Kopa, Michel Platini, Zinédine Zidane, Karim Benzema et tant et tant d’autres? Serions-nous qui nous sommes sans l’engagement contre le colonialisme et pour l’indépendance de l’Algérie, sans l’apport des footballeurs d’Afrique du Nord et l’incroyable histoire de la création, en 1958, de l’équipe nationale du FLN, ces «joueurs de la liberté» comme nous les nommons, les Mustapha Zitouni ou Rachid Mekhloufi?
De la première (1998) à la deuxième étoile (2018) accrochées pour toujours au maillot bleu, des emblématiques stades (Bauer à Saint-Ouen, Colombes, etc.) aux plus grands clubs qui marquèrent le XXe siècle (le Red Star, Reims, Saint-Étienne, etc.), en passant par les principaux de nos adversaires étrangers, les arbitres, le football féminin et le tournant des «années fric», ce hors-série relate dans le détail ces cent vingt années de péripéties et de récits qui ont nourri toutes les passions imaginables et inavouées, loin des folies et des ignominies du Qatar. Sans rien dévoiler, vous découvrirez également le « onze » de la rédaction de l’Humanité, qui ne ressemble à aucun autre, puisque chacun de nos sélectionnés porte un «fragment» de l’histoire du pays. Cette histoire en ampleur, en quelque sorte, que résuma un jour Éric Cantona: «Mon plus beau but? C’était une passe.» Cette philosophie est la nôtre.
[ARTICLE publié dans l'Humanité du 3 novembre 2022.]