Une véritable révolution citoyenne démocratique?
Lignée. La politique, en République, vomit les tièdes et les demi-mesures. Ceux qui vécurent de près la dissolution de 1997, l’accord de gouvernement à gauche scellé en quelques jours, puis la victoire surprise face à la droite chiraquienne, en savent quelque chose. Jadis, nos prophètes de légende, sans prise sur l’événement, sublimaient le malheur passé ou à venir par le merveilleux et l’étalement du mystère dans le temps – souvent le temps-long. Là, nous avons prise sur l’événement! Ce dimanche 12 juin, nous y serons donc, à ce premier tour tant attendu des législatives qui, en quelque sorte, ne ressemble à aucun autre. Oublions un instant la disparition des arrière-mondes (encore que) et de la perception des longues durées (à voir), sans perdre de vue néanmoins que l’aventure de la Nupes ne vient pas de nulle part. Le bloc-noteur le rappelle souvent: nous avons de qui tenir et de quoi nous réjouir, puisque qu’une belle lignée nous pousse dans le dos! Pour le dire autrement, et aussi incroyable que cela puisse paraître : une majorité de gauche est bel et bien à portée de vote, accessible. Et nous ne rêvons pas…
Caricature. Dans nos songeries référencées et par mégarde altruistes – les flâneries des expérimentés sont parfois à contresens –, nous imaginons encore et encore: que celles et ceux qui décident dans les urnes soient saisis d’un retour sur image digne de l’Histoire et se mettent à reconsidérer le pouvoir qu’ils possèdent en vérité. Celui de renverser la table, ni plus ni moins. Et c’est le moment. Chacun est fils de son temps ; contemporains nous sommes. Et ce que réclame l’ici-et-maintenant nous dépasse. Parvenu à ce point de crise démocratique et institutionnelle, le peuple français doit regarder la vérité en face. Notre régime du monarque-élu se trouve à bout de souffle et, depuis l’arrivée par effraction de Mac Macron, puis l’élection de Mac Macron II, du haut de sa verticalité jupitérienne poussée jusqu’à la caricature, le sentiment de grave fracture entre le chef de l’État et les citoyens connaît une aggravation si inquiétante que tout retour en arrière semble impossible. La défiance croissante n’atteint plus seulement la posture de l’Élu, mais bel et bien «la» politique en général. D’où la question lancinante: la Ve République a-t-elle vécu? Nous connaissons la réponse. Dès lors, s’il ne fallait retenir qu’un seul argument pour élire un Parlement de gauche, imaginons un peu le scénario improbable. Le 19 juin au soir, Mac Macron II ne possède pas de majorité. De quoi s’agirait-il, sinon du coup de grâce précipité du cadre institutionnel actuel? Nous aurions à l’Élysée un roi sans tête. Et à l’Assemblée nationale un pouvoir capable de changer profondément la République… et la vie des gens. Le début d’une véritable révolution citoyenne démocratique.
Chimères. En sortant du chapeau son soi-disant «Conseil national de la refondation» (honte à la référence au CNR), censé revivifier la démocratie, Mac Macron II est comme passé aux aveux. Il reconnaît explicitement l’ampleur du problème. Car les Français veulent s’en mêler, participer, être des acteurs. Et, sans forcément en avoir pleine conscience, ils aspirent même à une nouvelle République sans laquelle rien – ou pas grand-chose – ne se réorganisera de fond en comble. Une victoire de la gauche et tout bascule. Primo: retour à la primauté du Parlement. Secundo: fin progressive du présidentialisme, au processus inévitable désormais. Deux tours de scrutin et tout devient possible. Espérer n’est pas toujours délirer. Quant aux chimères éventuelles, elles émergent et se concrétisent dans grandes heures à la Jean-Jacques Rousseau où «on laisse sa tête entièrement libre, et ses idées suivre leur pente sans résistance et sans gêne».
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 10 juin 2022.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire