mercredi 2 mars 2022

UE : désescalade ou engrenage ?

L'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne serait une provocation inutile...

Avec le retour de l’Histoire, par sa face la plus tragique qui menace tous les équilibres du monde, l’Europe possède donc une place pour le moins singulière, qu’elle entend affirmer. Sera-t-elle à la hauteur de l’enjeu? En adoptant une aide de 450 millions d’euros pour financer l’envoi d’armes – pouvant inclure des avions de chasse – aux forces ukrainiennes afin de résister à l’agression russe, les Vingt-Sept ont brisé un tabou. Jamais auparavant l’UE ne s’était drapée d’une telle fonction. Ces revirements spectaculaires, européen et même allemand, auront des répercussions à long terme. Mais jusqu’où aller, sachant que ce terrifiant conflit ne se résoudra que par la diplomatie et la négociation, sauf à jeter l’humanité tout entière dans le gouffre absolu?

L’appel du président ukrainien, ce mardi, devant le Parlement de Bruxelles, a relancé l’idée d’une adhésion de l’Ukraine à l’UE. Le sentiment européen de Volodymyr Zelensky et d’une grande partie du peuple ukrainien est compréhensible, sinon légitime. Mais, si l’UE devait intégrer l’Ukraine en son sein, en pleine guerre et dans le cadre d’une procédure expresse inédite, cela constituerait un pas en avant dans l’escalade, une décision contre-productive qui ne manquerait pas de rajouter de la confusion et de la provocation, en un temps où toutes les menaces pèsent. Les conséquences seraient dès lors bien différentes, sans parler du message politique. Comprenons bien : cette adhésion créerait une obligation juridique «d’aide et d’assistance» des pays membres envers l’Ukraine, comme le prévoit l’article 42, paragraphe 7, du traité de l’UE, donc l’entrée en scène de l’Otan…

Chacun l’a compris : les chemins de la diplomatie et d’un cessez-le-feu rapide paraissent bordés d’ombres à chaque crépuscule des jours qui passent. Si les sanctions économiques massives auront tôt ou tard des effets sur le pays de Poutine, portant leurs fruits pourris jusque dans les foyers de Russes, pendant ce temps-là, le drame se poursuit. Les pilonnages se multiplient, des bombes à fragmentation s’abattent sur certaines villes, et le chaos du fer et du feu progresse. L’Europe ne devrait-elle pas, de toute urgence, proposer la tenue d’une conférence réunissant l’ensemble du continent européen, soit une quarantaine de pays ? Comme pour accentuer la pression.

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 2 mars 2022.]

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