Emmanuel Macron fuit obstinément toute confrontation.
Il n’est certes pas responsable de la crise géopolitique, encore moins de cette sale guerre déclenchée par le maître du Kremlin qui menace les équilibres du monde par le fer et le feu, les morts et les destructions… Nous ne reprocherons pas à Emmanuel Macron de s’occuper des hautes affaires internationales, dans un moment d’horreur et de tensions inouïes. Néanmoins, quoi que nous en pensions, chacun peut constater froidement qu’il profite de cette situation extrême, d’une manière si évidente et assumée qu’elle finit par s’apparenter à une forme de cynisme politique.
Ces mots sont-ils exagérés, alors que les premiers pas du président sortant comme candidat confirment tout ce que nous redoutions? L’hôte de l’Élysée est là ; mais le candidat, lui, ressemble à un fantôme dont on parle, mais qui fuit obstinément toute confrontation, le moindre véritable débat, comme si la posture jupitérienne allait jusqu’à l’évitement de la démocratie. En refusant de descendre dans l’arène politique nationale, Emmanuel Macron rabaisse encore la posture de l’«homme d’État», égratignant au passage le grand rendez-vous républicain qui nous attend le 10 avril prochain.
Imaginez un peu: dans quatre semaines jour pour jour, nous connaîtrons les deux finalistes pour la fonction suprême, la campagne du second tour s’engagera. Et d’ici là, avançant masqué et s’adossant à la communication ciselée d’une mise en scène dramatisée, il y a tout lieu de penser qu’Emmanuel Macron laissera filer le calendrier à son plus grand profit – comme semblent le signifier les derniers sondages. En vérité, pourquoi sortirait-il de cette ambiguïté, lui qui, durant cinq ans, a surjoué la verticalité et l’exercice solitaire du pouvoir absolu, caricaturant à l’excès toutes les perversités de la Ve République?
Attention toutefois. À force de se voir et de susciter une forme d’indignation, cette stratégie du statu quo peut très vite se retourner… ou, hélas, se révéler mortifère à l’heure des grands choix. En toute dignité, un président ne devrait pas agir ainsi. Sauf à porter la responsabilité historique d’atomiser un peu plus la vie publique, la démocratie et la haute idée que nous nous faisons de la représentation nationale…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 14 mars 2022.]
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