Mac Macron et la dérive droitière.
Peur. Scène
stupéfiante, la semaine dernière. Sur Europe 1, nous avons vu un certain
Patrick Buisson sortir du silence, venu là pour «analyser» le scénario de la
prochaine élection présidentielle de 2022. On croit rêver, mais non.
L’ex-journaliste d’extrême droite, en sa qualité de «politologue, historien et ancien conseiller» (de Nicoléon,
Fifille-la-voilà ou Dupont-Aignan, excusez du peu !), nous annonça donc le
futur match entre deux «marchands
de peur» : l’hôte du Palais et la cheftaine du RN. Le climat serait proche
du « chaos » sinon de la «guerre civile», depuis la crise
des gilets jaunes, l’explosion de l’insécurité, le terrorisme, etc. – pas
un mot sur la crise sociale, évidemment. L’affreux maurrassien prophétisa une
vérité que nous connaissons tous : le terrain d’affrontement se déroulera «à droite». Le bloc-noteur rajoutera :
à droite toute… Au moins, les choses s’affirment clairement. Les bonnes âmes
qui croyaient au «plus rien ne sera
comme avant» de la Macronie savent depuis longtemps à quoi s’en
tenir. Mac Macron avait personnellement annoncé sa nécessité de se réinventer.
À un détail près : tout se passe résolument à droite. Les crédules qui
s’attendaient à ce que le «nouveau
chemin» emprunte plutôt la rive gauche se sont depuis noyés dans
leurs illusions, emportés par le courant ordo-libéral. L’épidémie n’a rien
changé à l’affaire. «L’après» tant
promis sera comme avant, en pire. Avec même le risque antirépublicain que les
dernières digues ne tombent et que Fifille-la-voilà ne prenne d’assaut
l’Élysée…
Hystériser. Mac
Macron assume la posture, mieux, il jette le pays dans une sorte de fracture
démocratique mortifère. En jouant sur les concepts et les mots. Ainsi, ces
derniers mois, a-t-il ajouté à sa panoplie la notion d’ «insécurité culturelle» forgée
par le politologue Laurent Bouvet, fondateur du Printemps républicain, une
association de défense de la laïcité très active dans les coulisses du pouvoir. «Manière chaste de parler d’identité sans
se salir la bouche avec le terme», comme le rapporte le Monde. Le but véritable ? Continuer
d’hystériser les débats en les projetant à l’extrême droite de l’échiquier,
sans avoir l’air d’y toucher. Dans le livre d’Arthur Berdah, journaliste au Figaro et auteur d’Emmanuel Macron, vérités et légendes (éd.
Perrin), notre prince-président déclare par exemple : «Tout change, et les repères dans lesquels on s’est construit sont
complètement bouleversés.» Pour lui, une partie non
négligeable de la population serait en proie à un «sentiment de déclassement, d’abandon, de perte de contrôle de son
territoire, de sa vie, personnelle et familiale». Quelle omniscience quand
le pompier pyromane constate lui-même l’ampleur de l’incendie qu’il a allumé.
Inquiétude. Hallucinante perspective, celle de voir l’homme du passif et de l’échec nous rejouer le coup de 2017. À l’époque, le futur élu parlait déjà des « peurs françaises ». Dans son livre-programme Révolution (XO Éditions), en 2016, le futur candidat à la présidentielle se désolait de ces Français «recroquevillés sur (leurs) passions tristes, la jalousie, la défiance, la désunion». Il y percevait «une certaine forme de mesquinerie, parfois de bassesse, devant les événements». Cinq ans après, la situation a empiré. Et si Mac Macron ose désormais déclarer qu’ «il nous faut réglementer notre système capitaliste et inventer un nouveau modèle», n’oublions pas que l’aggiornamento économico-social de Joe Biden est passé par là. Le prince-président, lui, continue pourtant de filer à rebours, refusant toute idée d’augmentation des impôts pour les plus aisés, contrairement à son homologue américain. Il se dit toujours «optimiste de la volonté» et annonce que la décennie qui vient sera celle «de notre jeunesse». Soyons lucides. Le prince-président peut se prévaloir d’un bilan, un seul : celui d’avoir déstabilisé la droite… après avoir siphonné le Parti socialiste. Son objectif : rester en tête à tête avec Fifille-la-voilà.
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 14 mai 2021.]
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