L’idée chemine d’exploiter des techniques invasives pour améliorer les performances physiques ou cognitives du corps humain de nos militaires...
Juste avant qu’Emmanuel Macron ne soit déclaré positif au Covid-19 – nous lui souhaitons, comme il se doit, un prompt rétablissement –, le président venait donc d’«assumer» auprès de nos confrères du Point son expression assénée à la nation, il y a neuf mois, en évoquant la pandémie : «Nous sommes en guerre.» Métaphore douteuse, non, pour un chef des armées? Peut-être convoquait-il, de manière inconsciente, un tout autre sujet après lequel nous allons courir durant des décennies en spéculant beaucoup : le développement de soldats dits augmentés, au cœur de l’armée française.
L’affaire n’est plus un fantasme d’illuminés perdus dans leurs lectures. Début décembre, la ministre des Armées, Florence Parly, déclarait : «Oui à l’armure d’Iron Man et non à l’augmentation et à la mutation génétique de Spider-Man.» Ainsi évoquait-elle l’avis rendu par un comité d’éthique et de la défense chargé d’apporter des éclairages sur les questions soulevées par les innovations scientifiques, techniques et leurs éventuelles applications, autant pour le fameux «soldat augmenté» que pour «l’autonomie dans les systèmes d’armes létaux», ce que nous appelons les «robots tueurs»…
Ne plaisantons pas avec cette réalité. Non seulement la Grande Muette vient de recruter dix auteurs de science- fiction afin d’imaginer les futures crises géopolitiques et ruptures technologiques impliquant les militaires, mais l’idée chemine d’exploiter des techniques invasives pour améliorer les performances physiques ou cognitives du corps humain de nos professionnels en treillis. Molécules, implants sous-cutanés, rien n’est laissé au hasard. Bienvenu dans la préfiguration d’un nouvel univers assez impitoyable, quitte à heurter les règles de droit essentielles à la protection de la personne humaine.
De Jules Vernes à Philip K. Dick, nul n’ignore que la littérature de science- fiction et d’anticipation nous a toujours aidés à interroger le présent, tout en alertant sur notre à-venir. Un conseil toutefois à notre chef des armées, qui pourrait y réfléchir durant sa convalescence : et s’il demandait aussi à quelques artistes et autres poètes d’imaginer un «autre monde»?
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 18 décembre 2020.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire