La chasse aux idées révolutionnaires…
Désir. Au milieu des fracas idéologiques et pandémiques, nous devons à Slavoj Zizek une information passée totalement inaperçue, mais qui, en tant qu’exemple, nous éclaire sur notre présent. Dans une tribune publiée par l’Obs, le philosophe slovène révèle en effet que le gouvernement britannique de Boris Johnson, fin septembre, «a ordonné aux écoles d’Angleterre de ne pas utiliser les ressources d’organisations ayant exprimé le désir de mettre fin au capitalisme». Soyons précis. La directive publiée par le ministère de l’Éducation à l’intention des directeurs d’établissement impliqués dans la mise en place des programmes classe l’anticapitalisme comme une «position politique extrême» et l’assimile à un «discours contraire à la liberté d’expression, à de l’antisémitisme et au soutien d’activités illégales». Vous avez bien lu. Slavoj Zizek, effaré par ces mots, explique: «Pour autant que je sache, il est inédit qu’un ordre aussi explicite soit donné. Rien de tel n’est jamais arrivé, même dans les heures les plus sombres de la guerre froide.» Comment lui donner tort? D’autant que la formule est savamment choisie: «Un désir de mettre fin au capitalisme.» Pas un programme de combats politiques au service d’une organisation planifiée, non. Un «désir», juste un «désir», comme on le dirait d’un rêve un peu fou. Zizek précise: «À cela s’ajoute la mention désormais habituelle de l’antisémitisme, comme si un désir de mettre fin au capitalisme était en soi antisémite. Les auteurs réalisent-ils que leur interdiction est en elle-même antisémite: elle suppose que les juifs seraient pas essence capitalistes?» En creux, nous devons lire une chose simple: non seulement la guerre idéologique contre les idées communistes et marxistes se poursuit, mais elle atteint de nouveau une incandescence si vive qu’elle ressemble à une réaction d’effroi, en un temps où toutes les «vérités» du libéralisme s’écroulent les unes après les autres. «Serait-ce parce que la pandémie, le réchauffement climatique et les crises sociales pourraient donner à la Chine une chance de s’affirmer comme la seule superpuissance? s’interroge Slavoj Zizek. Non, la Chine n’est pas l’Union soviétique d’aujourd’hui – le meilleur moyen d’empêcher le communisme est de suivre la Chine.» Et il ajoute: «Si l’Union soviétique était l’ennemi extérieur, la menace qui pèse sur les démocraties libérales vient aujourd’hui de l’intérieur, du mélange explosif des crises qui rongent nos sociétés.»