dimanche 28 avril 2019

La désillusion

Macron n’entend rien. Au contraire, il assume une sorte de virage en ligne droite, prenant le risque de nourrir une désespérance exacerbée. Singeant les pires années sarkozystes, il répond «à droite toute» aux aspirations sociales du pays.

 

Quelques jours à peine auront donc suffi pour que la parole présidentielle, tant attendue, se transforme en désillusion pour une majorité de nos concitoyens. Personne n’était dupe, certes, mais le fameux effet waouh annoncé à cor et à cri par les thuriféraires de toute la Macronie a laissé place à un couac monumental – le désenchantement devient divorce consommé – et, plus encore, à une rupture fondamentale qui laissera des traces durables dans le rapport du peuple avec «la» politique. Emmanuel Macron et son gouvernement nous avaient annoncé des «mesures puissantes et fortes», après avoir gagné du temps, mené une campagne électorale aux frais de l’État lors des prestations solitaires du «grand débat national», tentant d’épuiser une mobilisation sociale à laquelle ils ne veulent apporter aucune réponse – la preuve –, tout en cherchant à créer l’illusion d’une démocratie participative nouvelle dont il ne reste déjà plus rien. Comme prévu, les lendemains déchantent. Et même les moins courageux des commentateurs patentés expriment une «déception» qui en dit long sur le climat autour du chef de l’État…

 

Rien ne semble atteindre Jupiter. Les mouvements des «gilets jaunes», les journées intersyndicales, les mobilisations dans les entreprises, ce que les Français ont exprimé à travers les cahiers de doléances ou dans les réunions publiques, tout cela a porté une puissante exigence de dignité et d’égalité, avec des revendications précises: pouvoir d’achat, justice fiscale, augmentation du Smic et des salaires, de meilleurs services publics, etc. Macron n’entend rien. Au contraire, il assume une sorte de virage en ligne droite, prenant le risque de nourrir une désespérance exacerbée, déchirant peu à peu ce qu’il reste de nos vies en commun. Plus grave, singeant les pires années sarkozystes, il répond «à droite toute» aux aspirations sociales du pays. Une pure folie. L’«acte II» de son quinquennat débute par des mots qui sentent la poudre : travailler davantage, allongement de la durée de cotisation donnant droit à la retraite. Les réactions d’indignation entendues durant l’acte XXIV des gilets jaunes en témoignent. En attendant celles du premier Mai, où convergeront toutes les contestations.

 

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 29 avril 2019.]

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