dimanche 17 mars 2019

Scandale démocratique

En quoi et pourquoi Ian Brossat n’aurait-il pas sa place dans un échange télévisé majeur, au même titre que les autres têtes de liste ou représentants de partis?  

Curieux moment, n’est-ce pas? Alors que la question démocratique – dans sa visée citoyenne – s’affirme comme l’une des préoccupations majeures remontant telle une vague des tréfonds de la société française, il semble bien que chacun ne soit pas considéré sur un pied d’égalité pour avoir accès, précisément, au débat… démocratique. Nous pouvons le constater: la campagne des européennes entre dans sa phase active et ce n’est pas Emmanuel Macron qui nous démentira, lui si vaillant à tenter de convaincre des assemblées dont il ne se lasse plus, au point qu’il tient à poursuivre sa tournée promise dans toutes les régions jusqu’au mois d’avril, détournant le grand débat au profit d’une promotion électorale si visible qu’elle est désormais dénoncée par des observateurs jusque-là très «macron-compatibles». Or, il se trouve que France 2, principale chaîne du groupe public France Télévisions, a décidé de trier les participants au tout premier débat consacré aux élections européennes, dans le cadre de l’Émission politique du 4 avril prochain. En dépit de toute logique et des protestations, la direction de la chaîne persiste à ne pas vouloir inviter Ian Brossat, le chef de file communiste de la liste intitulée «Pour l’Europe des gens, contre l’Europe de l’argent». Un scandale. Et un boycott. Comment appeler cela autrement? Du coup, une autre interrogation se pose déjà cruellement: un vrai débat aura-t-il lieu, alors qu’il s’agit d’un scrutin primordial dont on sait, pas seulement par habitude, qu’il mobilise peu, hélas, les Français?

En quoi et pourquoi Ian Brossat n’aurait-il pas sa place dans un échange télévisé majeur, au même titre que les autres têtes de liste ou représentants de partis? Cette décision s’avère si grotesque et provocante, pour tout républicain digne de ce nom, que les arguments pour la contester devraient être inutiles… pourtant ils ne manquent pas, dans une période où la soif de débats et de controverses se révèle chaque jour plus vive et que les contestations d’ampleur – gilets jaunes, revendications sociales, climat, etc. – s’additionnent et souvent se rejoignent. Depuis le référendum constitutionnel de 2005, nous savons que la construction de l’Europe peut passionner et enflammer les citoyens. À condition que la démocratie soit respectée pleinement, pas seulement dans des marges délimitées au préalable afin de désigner qui est légitime ou non de s’opposer à Macron. Veut-on que l’élection européenne ressemble au grand débat, avec, à terme, la désillusion suprême: la colère amputée de tout espoir politique?

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 18 mars 2019.]

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