Combat. Sans vouloir donner de leçons, reconnaissons que l’intelligence des circonstances devrait être valable pour tous. Là où il n’y a pas la volonté acharnée de changements profonds afin d’embrasser notre destin collectif, il n’y a qu’indifférence et médiocrité du cœur face à un événement historique qui ne se représentera sans doute pas de sitôt. Voilà où nous en sommes, avant l’acte V de la mobilisation des gilets jaunes. D’accord, ce qui se déroule depuis quelques semaines dépasse les cadres institués traditionnels, modifie les rapports de forces dans les tréfonds mêmes de la société organisée et, surtout, bouleverse les logiques dominantes – celles dont s’accommodent si bien les tenants du « mieux que rien » depuis plus de trente ans. Après les annonces de Mac Macron, perdu dans son opération enfumage (pour mieux préserver l’injustice fiscale et les cadeaux faits aux riches), la situation insurrectionnelle aux ressorts non maîtrisables est non seulement toujours en place mais il semble bel et bien que le climat prérévolutionnaire ne s’érode pas. Au moins pour une raison: rien ne se passe comme prévu. Mieux: nos pensées sur la question sont, elles aussi, dépassées, contraintes au mouvement perpétuel d’adaptation et de dialectique du combat. Cela nous force à puiser dans nos mémoires, non pour comparer, plutôt pour différencier et analyser. Que le bloc-noteur soit ainsi pardonné d’oser semblables références historiques: car, en effet, rien ne se passa comme prévu début juillet 1789, début juin 1848, début octobre 1917, début mai 1968, début décembre 2010 (à Tunis). Décembre 2018: tout paraît méconnaissable, nouveau, étrange à bien des égards, et pourtant enthousiasmant. Comme un parfum d’irréversible. Comme si, par les nuées jaunes, nous assistions à un retour de la politique citoyenne, mais sans en avoir l’air, en tous les cas pas de manière «classique». Cela nous perturbe? C’est normal. Qui peut prétendre ne pas l’être, en pareil moment? Il suffit de voir Paris vaciller. Et se dire qu’il était inimaginable d’imaginer la capitale de la France ressembler à une ville morte un week-end après l’autre, sans courses de Noël ni touristes tranquilles. Et il suffit, dans le même temps, de regarder cette présidence acculée, dépassée, quasi crépusculaire, se transformant en pouvoir d’opérette tenté par la militarisation et la répression aveugle, pour comprendre que l’affaire est d’une extrême urgence sociale, mais aussi ultrapolitique…
Histoire. Tout le monde s’est exprimé depuis un mois, philosophes, analystes, politologues, écrivains, historiens, journalistes, cherchant tous l’alibi de significations, voire des articulations symboliques capables de « verbaliser » une «réalité». Le discours dominant? Une seule dichotomie envisageable: le néolibéralisme ou le néofascisme. Dans cette «réalité» déployée par le système en place, dont les médias restent la clef de voûte, aucune place ou presque n’est réservée pour le surgissement des gilets jaunes comme contestation populaire authentique, et encore moins de place pour laisser à penser que la violence sociale subie depuis si longtemps puisse être une cause suffisante pour expliquer le ras-le-bol généralisé contre ceux qui concentrent l’argent par ceux qui n’ont plus rien à perdre. Pourtant, notre ici-et-maintenant doit nous instruire sur un point crucial: prenons comme une chance le fait que la novlangue des grands médias en question et le discours capitaliste habituel ne soient plus, pour une grande masse de citoyens, l’unique son de cloche ni le seul logiciel avec lesquels la société française perçoit les raisons des colères. Regardez ce changement de paradigme. Regardez, mais regardez la peur des puissants, mesurable à l’aune des violences policières. Regardez comment les détenteurs du néolibéralisme craignent l’émergence d’une «réalité» différente de celle qu’ils continuent de vouloir nous imposer. Cette «réalité» bien dépolitisée, bien policée, bien «sage» n’existe plus. Elle vient de voler en éclats. Au profit d’une «réalité réelle». Appelons cela: une page d’Histoire.
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 14 décembre 2018.]
BFM Mon amour
RépondreSupprimerJe t’informe
Les ronds-points se sont donné rendez-vous au bout d’une longue ligne blanche
Des poings ronds Fermés sont décidés à en découdre
Pour changer des lignes de vie restées plantées dans le creux de leur main
De la ligne blanche à la ligne jaune il n’y a qu’un gilet à franchir
Je t’informe
Chaque samedi ils partent à la ville
Tourner une page de l’Histoire
Que certains s’échinent à rendre blanche
A coups de gaz lacrymogènes de tirs tendus et d'arrestations
Ils ne partiront qu’après avoir trouvé le Président
De la page blanche au cahier de revendications il n’y qu’un gilet à brandir
Je t’informe et tu ris
Des cagettes brûlées des gilets portés sans allure des propos sans prompteurs
Des ronds-points carrefours des ras le bol exprimés sans retenue
De cette obscénité populaire qui semblait disparue avec le XXème siècle
Je t’informe et tu méprises
La tenue les lieux les personnes l’absence d’organisation l’auberge espagnole
Leurs revendications l’absence de chef
Je t’informe et tu accuses
Le conspirationnisme l’ultra gauche l’ultra droite
Les maladresses de notre bon Président l’irresponsabilité de l’opposition
Je t’informe et tu condamnes
Les dégradations et les émeutes les pertes pour l’économie
Le danger pour la démocratie la surenchère sociale
Je t’informe
Que le Peuple existe et qu’il ne cherche pas à te plaire BFM, mon amour
Vladimir Nicolas
le 14 décembre de l'an de Grâce de la République des gilets jaunes