dimanche 1 juillet 2018

Crédibilité de la parole

Méfions-nous des belles paroles que les faits, souvent, contredisent. Les 28 pays de l’Union ont donc trouvé un accord sur la question migratoire. Ils auraient ainsi sauvé l’Europe… à défaut de sauver les migrants. «La coopération européenne l’a emporté!» a exulté Emmanuel Macron. La réalité est affligeante. Des «plates-formes de débarquement» pourraient être créées hors UE, en Afrique du Nord, dans des pays non consultés: la Tunisie, le Maroc et l’Albanie ont d’ores et déjà refusé! En Europe, des «centres contrôlés» seront installés, mais sur la base du volontariat: la France et l’Italie –qui se veulent les promoteurs de cet accord– refusent d’y participer! Et ils nous parlent d’un succès pour l’Europe…

Non seulement les accords de Dublin n’ont pas été abrogés, mais rien ne permet de dire que la «coopération» sera renforcée, comme l’affirme le chef de l’État. Récemment, celui-ci s’indignait pourtant de la progression des nationalismes, cette «pègre qui monte» (dixit), et du sort réservé aux migrants sur notre continent et aux États-Unis. Et chez nous? A-t-il permis l’accueil de l’Aquarius et du Lifeline? Et sa loi asile-immigration, n’est-elle pas plus restrictive que jamais?

La crédibilité de la parole, ça se gagne. Il suffira, pour s’en convaincre, de lire l’entretien accordé dans Society par le maire socialiste de Grande-Synthe, Damien Carême, acteur actif de l’accueil aux réfugiés. Celui-ci rapporte une rencontre avec le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb. «Je l’ai vu trois quarts d’heure et il ne m’a parlé que de répression, affalé sur sa chaise, en lançant: “Je n’en ai rien à foutre des associations, je n’ai rien à prouver et à Lyon, je les ai virées”!» Abjects, non? Pour mémoire, Emmanuel Macron vient de recadrer, puis de limoger l’ambassadeur de France à Budapest, qui avait érigé la Hongrie en «modèle» dans sa gestion des migrants, qualifiant de « fantasmagoriques » les accusations de nationalisme à l’égard de Viktor Orban (épinglé par l’UE, l’OSCE et l’ONU pour ses entorses à l’État de droit). Nous attendons avec impatience que le président limoge à son tour Gérard Collomb. Seulement voilà, ce serait comme s’il se sanctionnait lui-même… et au passage son infâme politique de l’immigration! 

[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 2 juillet 2018.]

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