La colère est là et bien là, en ce "printemps social" dont on ne sait ce qu'il deviendra, à la mesure de l’éclatement du monde, de sa précarisation. Un mouvement d’ampleur peut donc naître du sentiment général d’humiliation.
Acteurs. Curieux de constater, tout de même, à quel point le retour d’une forme de «combat social» bouleverse la France dans ses tréfonds et témoigne, si cela était nécessaire, que le climat de conflictualité reste prégnant, quoique, la plupart du temps, confiné dans des ressentiments épars qui ne trouvent que rarement des «débouchés» collectifs. Et si Mac Macron avait ouvert plusieurs boîtes de Pandore? Et que, par accumulation, par addition plutôt, le paysage social craquait de toutes parts? De la fonction publique aux Ehpad, des universités aux hôpitaux, des enseignants aux retraités, des salariés du commerce aux travailleurs «ubérisés», des agents de toutes sortes aux cheminots (non exhaustif), la colère est là et bien là, elle trouve des modes d’action nouveaux, à la mesure de l’éclatement du monde, de sa précarisation, ce qui ne permet plus d’assumer des actions syndicales ou revendicatives. Un printemps social d’ampleur peut donc naître du sentiment général d’humiliation. Et s’il convient de ne pas s’emballer, d’éviter de parler de «convergence des luttes», l’occasion de s’affirmer comme acteurs de quelque chose apparaît possible pour beaucoup de nos concitoyens, pour les milieux populaires, pour tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, refusent l’offensive brutale contre l’État social. Il y eut la vraie droite de Nicoléon, qui ouvrit des brèches béantes. Il y eut la fausse gauche de Normal Ier, qui ne croyait plus au «combat social» et le revendiquait en accompagnant les «réformes» libérales, jusqu’à ce qu’un jour un certain Cahuzac déclare à la télévision: «Je ne crois pas en la lutte des classes.» Il y a désormais, avec Mac Macron, la guerre sociale, celle qui entend abattre l’esprit même des services publics et rogner les droits conquis au travail, à la santé, à la retraite, à la Sécurité sociale, etc. Sa besace est pleine de contre-réformes, quitte à passer par les ordonnances et tuer dans l’œuf l’intelligence collective et le moindre débat public.
Vérité. Après le Code du travail, les attaques contre les chômeurs, la super-austérité imposée aux collectivités locales, nous voici, par sa logique implacable, au dépeçage de la SNCF, l’un de nos fleurons nationaux. Tous les moyens sont bons, puisque nous vivons sous la domination massive de l’émotivité, entretenue et fouettée par la magie du live et de l’image-son à gogo.
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 6 avril 2018.]
Concentrons-nous sur deux contrevérités, rabâchées en boucle. Premier mensonge: nous entendons partout que «l’Europe impose l’ouverture à la concurrence». L’expression se veut trompeuse, biaisée. Certes, la Commission a édicté des directives pourries, mais toujours avec l’aval des gouvernements nationaux, au premier rang desquels celui de la France. La droite comme la fausse gauche au pouvoir, l’une après l’autre, ont collaboré à ce processus. Ayons un langage de vérité: évoquer l’Europe, c’est, en fait, parler des gouvernements «légitimes», appuyés par des majorités élues. Leur jeu pervers consiste juste à se servir de l’Europe comme d’un bouc émissaire. Second mensonge: à la suite du rapport Spinetta sur la SNCF, il a été dit partout et sur tous les tons que le statut et la dette étaient la cause de tout les maux de notre chemin de fer national. Qui rétablira la vérité? Une vérité exprimée notamment par le cabinet Degest, cette semaine. Et que déclare cet organisme de référence en questions ferroviaires et sociales? Citons dans le texte: «Loin de l’approche dominante qui fait du réseau secondaire et du statut des cheminots les principales sources de dérives financières, nous montrons que c’est plutôt le coût du capital qui pose problème. L’absence de financement de l’État à la hauteur des enjeux du rééquilibrage modal contraint SNCF Réseau à s’endetter toujours plus, et finalement à s’endetter pour rembourser sa dette. Sur 100 euros de dette, 41 euros seulement vont au réseau, le reste va au secteur financier.» Et que conclut le cabinet Degest? Simple: «Ce système est inefficace.» Les cheminots, taxés de «privilégiés», ont-ils une quelconque responsabilité dans cette histoire, sinon d’être de bien utiles boucs émissaires, eux aussi?
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 6 avril 2018.]
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