mardi 2 janvier 2018

Notre honte

Le pouvoir installe la France dans le macabre cortège des pays murés dans leur indignité. Sans parler de la criminalisation de ceux qui aident les réfugiés...
 
«Étranger, moi-même.» Que reste-t-il, dans la tête et la conscience intime du chef de l’État, de cette conférence donnée en 1997 par Paul Ricœur, quand le philosophe déclarait: «L’hospitalité ouvre sur l’infini»? À voir la logique inhumaine qui prévaut à la réforme du gouvernement sur l’immigration, pas grand-chose en vérité… Depuis la circulaire du 12 décembre, signée par le ministre de l’Intérieur, les associations appellent massivement à la «résistance passive» pour refuser l’instauration du contrôle des migrants résidant dans les structures d’accueil, au nom d’un principe universel: les personnes recueillies sont d’abord des êtres humains, pas des dossiers administratifs. Emmanuel Macron donne la ligne, Gérard Collomb l’exécute avec zèle: traques, accélération des expulsions, allongement de la durée de rétention, etc. L’exécutif installe la France dans le macabre cortège des pays murés dans leur indignité. Sans parler de la criminalisation de ceux qui aident les réfugiés, comme en témoigne le cas exemplaire de Martine Landry que nous évoquons dans nos colonnes. Cette retraitée devenue, par la volonté des pouvoirs publics, l’une de ces «délinquants solidaires». De Menton à Briançon, la chaîne d’humanité continue pourtant de gravir des sommets aux côtés des migrants. Les voilà, les vrais premiers de cordée!
 
Sans tergiverser: solidarité et devoir d’accueil. Ainsi nous ne tairons pas notre honte devant cette obsession qui consiste à vouloir «trier» des humains. Ricœur d’un côté; la schlague gouvernementale de l’autre. Notre honneur à tous s’en trouve atteint. Fermer les frontières n’empêche pas les exils. Qui peut oser posséder droit de vie ou de mort sur des individus dont le pays d’origine ne peut ou ne veut assurer la «protection», comme le stipule un statut de la convention de Genève, depuis 1951? Chaque barbelé sur une route migratoire ouvre un autre chemin, souvent plus périlleux, comme dans le Briançonnais. Le repli a des conséquences désastreuses:  la mort pour les migrants, la prison pour les «aidants», la montée en puissance des nationalismes… Les réfugiés de guerre ou de misère disent le monde réel. Ils sont des messagers de l’histoire. C’est aussi notre histoire.
 
[EDITORIAL publié par l’Humanité du 3 janvier 2017.]

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