mercredi 10 janvier 2018

Grand Paris : coup d’État territorial

Le pouvoir actuel, dans la lignée de ses prédécesseurs, veut imposer ni plus ni moins que la sortie de notre histoire républicaine à la française : la suppression de tous les départements, donc de leur compétence. 
 
Loin des regards et de l’attention des citoyens, un big-bang institutionnel et territorial se prépare en silence. Il concerne la plus grande de nos régions, celle dite du Grand Paris, qui, selon la formule consacrée, n’est rien d’autre que «le poumon économique de la France». Cette zone de 131 communes dont le PIB est jalousé par certains États de l’Europe s’apprête à vivre une contre-révolution: le pouvoir actuel, dans la lignée de ses prédécesseurs, veut imposer ni plus ni moins que la sortie de notre histoire républicaine à la française, comme en témoigne une note du préfet d’Île-de-France révélée avant les fêtes qui professe la suppression de tous les départements, donc de leur compétence. Inutile de chercher la «cohérence». Elle porte un unique nom: libéralisme. Et un cadre, soi-disant «libre et non faussé»: l’Europe des régions, par lesquelles les territoires et les métropoles s’extraient des processus citoyens en privilégiant les logiques marchandes et la compétition économique. Résumons: seules les grandes régions, mises en concurrence entre elles, sortiront vivantes du champ de bataille financier…
 
L’affaire est grave, mais loin d’être achevée. Car au départ, le Grand Paris était une idée qui aurait pu déboucher sur un projet mettant en œuvre plus d’égalité, plus de solidarité et plus d’inclusion en tant que réponse politique aux inégalités sociales et territoriales d’espaces urbains en profonde mutation. Le chemin inverse semble privilégié, visant à minimiser les champs d’action des collectivités locales pour réduire au maximum la place des services publics. À l’étape actuelle, la métropole du Grand Paris reste une communauté d’élus et pas assez celle des citoyens. Pourtant, quand on leur donne la parole, les habitants concernés ne taisent pas leurs aspirations, qui oscillent entre espoirs d’égalité et peur du déclassement. Ils savent que l’avenir de leur territoire peut leur échapper et se transformer en relégation territoriale… Chacun doit pouvoir juger sur pièces et s’opposer à la vision libérale de l’aménagement du territoire, donc de nos vies quotidiennes. Ça s’appelle la démocratie.
 
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 11 janvier 2018.]

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