mardi 28 novembre 2017

L’homme macronien

Devant une assistance de jeunes africains, à Ouagadougou, Macron espérait faire oublier l’impair commis par Sarkozy en 2007. («L’homme africain n’est pas entré dans l’Histoire»). Mais la condescendance, hélas, était aussi au rendez-vous…  

Pour sa première «tournée africaine», Emmanuel Macron n’a pas été accueilli n’importe comment au Burkina Faso. Atmosphère pesante, climat tendu, écoles fermées durant deux jours à Ouagadougou. Avant son «discours à la jeunesse», tandis que des manifestations se déroulaient au cri d’«À bas l’exploitation de l’Afrique par l’Occident», deux symboles de la Françafrique étaient visés, par une grenade, lancée contre des soldats français, puis par un caillassage d’un minicar, dans lequel étaient présents des chefs d’entreprise. Les spectres de la Françafrique des héritiers des colons blancs ne sont jamais bien loin… Devant une assistance de jeunes, Macron espérait faire oublier l’impair commis par Sarkozy en 2007 («L’homme africain n’est pas entré dans l’Histoire»). Le chef d’État a bien sûr reconnu que «les crimes de la colonisation européenne» étaient «incontestables». Il s’est même déclaré favorable à la déclassification des archives sur l’assassinat de Thomas Sankara. Mais la condescendance, hélas, était aussi au rendez-vous…

Lors de son «grand oral», le président a habilement prétendu qu’«il n’y a plus de politique africaine de la France» tout en parlant du «lien indéfectible» en proposant «un nouveau partenariat» et en défendant des perspectives revisitées en faveur des entreprises françaises. En somme, il convient de lire entre les mots pour comprendre que ce énième discours sur les «nouvelles» relations franco-africaines était aussi une manière d’accréditer des pans entiers de la politique africaine de la France… Emmanuel Macron avait l’opportunité de poser des actes concrets, il n’a posé que des mots. Ces derniers ne soigneront pas les maux de la Françafrique, qui avance désormais masquée. Il a pris un ton professoral pour expliquer qu’il n’était pas là pour donner des leçons, passant son temps à en donner à cette jeunesse africaine venue l’écouter, une jeunesse qui, précisément, aspire à un autre mode de développement et refuse la double peine: la misère chez eux ou les périples terrifiants de la migration contrainte. Les faits sont têtus. L’aide de la France aux pays pauvres a plongé, de 0,50% (du RNB) en 2010 à 0,38% aujourd’hui. L’homme macronien n’est pas entré dans l’histoire africaine.


[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 29 novembre 2017.]

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