Le coup de coude de Sagan... |
Certains ont des airs de portemanteau. D’autres, plus massivement charpentés possèdent un dos si droit dans l’arrondi de l’effort que leur muscle rhomboïde ressemble à une armure propice à toutes secousses inconsidérées. Regardez Peter Sagan, scrutez sa carrure, cette ondulation qui part des reins où se perdent les chocs, l’axe arrondi tout en puissance dans sa station couché, et vous comprendrez ce que signifient vraiment ces mots mystérieux pour tout néophyte: «Si l’on dit que le vélo a prolongé son corps ou, désignant le mouvement inverse, qu’il l’a incorporé, c’est que non seulement il prolonge ses membres locomoteurs, mais que sa peau a poussé par-dessus. Le coureur est l’inverse d’un robot.» (1) C’est le cas du Slovaque, devenu l’archétype du crack qui se complet à traverser les foules au bord du bonheur permanent. Double champion du monde en titre et vainqueur de sa huitième étape, lundi sur les hauteurs de Longwy, dans des conditions rocambolesques sinon acrobatiques après avoir déchaussé (ça pose un champion!), Sagan s’exfiltre de ses congénères sprinteurs pour entrer dans une autre catégorie. Celle des stylistes tous terrains (ou presque) laissés en liberté. Car son aisance en course et son intelligence des situations restent les principales raisons de son succès ininterrompu dans la collecte du maillot vert, qu’il rapporte chaque année à Paris depuis 2012. Un véritable exploit pour cette star du peloton, qui non seulement apprécie peu les entraînements mais rechigne à suivre les consignes dictées par son staff, se laissant guider par son instinct, parfois ses facéties. Des goûts de forcenés. Une sorte de dandysme décalé et bon marché. Bref, un perturbateur aimé, certes, mais capable de tout…
Entre Mondorf-les-Bains (Luxembourg) et Vittel, une étape
promise à une arrivée massive, les suiveurs se demandaient légitimement si le
«show Sagan» allait se poursuivre. Car avec le coureur de l'équipe
allemande Bora, qui l'a recruté à prix d'or à l'intersaison, les chiffres
s'affolent, aussi vite que les fans pullulent sur les routes ou sur les réseaux
sociaux. En somme, allait-il oui ou non se contenter de patienter encore
quelques jours dans sa quête du paletot vert? La réponse du sprint fut d’une extrême brutalité. Deux
énormes chutes successives se produisirent. La première scinda le peloton et élimina
Marcel Kittel de la lutte. La seconde jeta au sol Mark Cavendish (2), dans de
curieuses circonstances: Peter Sagan l’écarta ni plus ni moins du coude et
l’éjecta dans une balustrade. Etait-ce dans le feu de l’action? Ou intentionnel?
Sorti vivant de ce chamboule-tout extravagant, le champion de France Arnaud
Démare débloquait – enfin – son compteur, maillot vert en prime. Beaucoup oublieront
les circonstances, pour se souvenir que le dernier vainqueur français d’un
sprint s’appelait Jimmy Casper… c’était en 2006.
Attention, ce mercredi, changement de décor. Le Tour prend de la hauteur et change de point de vue, avec une arrivée au sommet dans les Vosges saônoises. La Planche des Belles Filles, classée en première catégorie (5,9 km à 8%), ne sera ni le juge de paix ni le moment-clef de ce Tour, malgré une ascension qui se termine par un spectaculaire «mur» à 20%. Toutefois, l’histoire contemporaine nous enseigne que toute montée sèche inaugurale donne des indications précises sur l’état de forme des principaux favoris – quand elle ne fige pas jusqu’au bout, hélas, certaines positions. Christopher Froome, qui s’y était imposé en 2012, n’a pas repéré pour rien, en mai dernier, les lacets de son premier exploit dans le Tour. Grand favori de cette édition avec Richie Porte, Nairo Quintana ou Romain Bardet, le triple vainqueur entretient le doute depuis le départ en Allemagne. Un doute quelque peu renforcé par la prise de pouvoir de son compatriote et équipier, Geraint Thomas. Zéro victoire pour Froome cette année. Une préparation hachurée. Et, ne le cachons pas, d’évidents états d’âme depuis huit mois, suite à l’«affaire» Wiggins: le désormais célèbre colis secret livré en plein Dauphiné 2012 ou les autorisations à usage thérapeutique que son ancien leader utilisa avant le Tour 2012 et le Giro 2013. Mal à l’aise, le Chris. Presque des envies de torgnole. «Je sais que je fais les choses de la bonne manière, et personne ne pourra rien m’enlever, expliquait-il le 30 juin dans l’Equipe. Il n’y a aucun squelette dans le placard, et donc je ne stresse pas à propos de ces questions. Malgré les critiques, je dors bien. (…) Les gens doivent se faire leur propre idée, et j’aime à penser qu’ils me connaissent suffisamment aujourd’hui pour ne pas me mettre dans le même panier.» Chacun appréciera la formule: «Pour ne pas me mettre dans le même panier»… Ce mercredi, l’œil du chronicoeur se portera principalement sur les tortures intérieures de Chris Froome. Elles détiennent une part de la vérité de cet homme. Et probablement le sort du Tour 2017.
Attention, ce mercredi, changement de décor. Le Tour prend de la hauteur et change de point de vue, avec une arrivée au sommet dans les Vosges saônoises. La Planche des Belles Filles, classée en première catégorie (5,9 km à 8%), ne sera ni le juge de paix ni le moment-clef de ce Tour, malgré une ascension qui se termine par un spectaculaire «mur» à 20%. Toutefois, l’histoire contemporaine nous enseigne que toute montée sèche inaugurale donne des indications précises sur l’état de forme des principaux favoris – quand elle ne fige pas jusqu’au bout, hélas, certaines positions. Christopher Froome, qui s’y était imposé en 2012, n’a pas repéré pour rien, en mai dernier, les lacets de son premier exploit dans le Tour. Grand favori de cette édition avec Richie Porte, Nairo Quintana ou Romain Bardet, le triple vainqueur entretient le doute depuis le départ en Allemagne. Un doute quelque peu renforcé par la prise de pouvoir de son compatriote et équipier, Geraint Thomas. Zéro victoire pour Froome cette année. Une préparation hachurée. Et, ne le cachons pas, d’évidents états d’âme depuis huit mois, suite à l’«affaire» Wiggins: le désormais célèbre colis secret livré en plein Dauphiné 2012 ou les autorisations à usage thérapeutique que son ancien leader utilisa avant le Tour 2012 et le Giro 2013. Mal à l’aise, le Chris. Presque des envies de torgnole. «Je sais que je fais les choses de la bonne manière, et personne ne pourra rien m’enlever, expliquait-il le 30 juin dans l’Equipe. Il n’y a aucun squelette dans le placard, et donc je ne stresse pas à propos de ces questions. Malgré les critiques, je dors bien. (…) Les gens doivent se faire leur propre idée, et j’aime à penser qu’ils me connaissent suffisamment aujourd’hui pour ne pas me mettre dans le même panier.» Chacun appréciera la formule: «Pour ne pas me mettre dans le même panier»… Ce mercredi, l’œil du chronicoeur se portera principalement sur les tortures intérieures de Chris Froome. Elles détiennent une part de la vérité de cet homme. Et probablement le sort du Tour 2017.
(1) Lire absolument «Le coureur et son ombre»,
d’Olivier Haralambon, éditions Premier Parallèle.
(2)Touché au côté droit, il a fini à
l’hôpital…
[ARTICLE publié dans l'Humanité du 5 juillet 2017.]
Si je peux me permettre, cher Jean-Emmanuel : Il se complaît, non "il se complet" (sic).
RépondreSupprimerFichu correcteur orthographique! ;-)