Le climat de ce mois de septembre possède quelque chose de puissamment ambigu. Mais déjà, qui ne comprend pas que l’établissement d’une nouvelle République est une urgence absolue?
Tréfonds. Un invariant utile à se remémorer aux heures de troubles persistants et de crises diverses propices à tous les dangers: les tragédies de l’existence – et donc celles qui frappent aussi les autres – ne concernent que ceux qui souffrent par passion, et seulement ceux-là. Nous en sommes. Intimement. Certes nous vieillissons et les rentrées s’empilent sur nous comme des montagnes de Lego livrées à nos gamins, laissant des traces accumulées, chaque année plus prégnantes. Si peu ragaillardis par des chaleurs harassantes, à peine bronzés à l’ombre des conifères, nous agitons les bras, nous prenons des voix de conteurs pour tenter déjà de narrer la suite ancrée dans le réel, tandis que la fin de l’été meurtrier continue de nous essorer autant qu’il nous maintient en éveil – assez utilement au fond. Le climat de ce mois de septembre, à une semaine de la Fête de l’Humanité et à quelques mois d’une double échéance électorale majeure, possède quelque chose de puissamment ambigu. D’un côté, la petite musique médiatico-politique repart sur un rythme pestilentiel, encagée dans des problèmes subalternes dont le fameux vêtement féminin de baignade a constitué le fait marquant (sic), du matin au soir et sur tous les tons, dans le prolongement d’une longue séquence autour de la seule religion musulmane, suspecte de tous les troubles inhérents à la vie quotidienne, favorisant surtout les pires hypocrisies, tous les amalgames, prétendument combattus, alors que, pendant ce temps-là, le chômage de masse, la précarité du travail, les maux sociaux comme les dérèglements climatiques, sans parler des tensions guerrières mondiales, passent au second rang. Et d’un autre côté, assez paradoxalement peut-être, nous sentons dans les tréfonds du peuple français une envie de changement considérable, comme si le « moment » qui se présentait devant nous se révélait assez historique pour qu’une prise de conscience collective attise les esprits les plus farouchement attachés à notre à-venir commun.
République. Regardez autour de vous. Les lèvres charnues du peuple traduisent un dégoût profond des débats en cours, dont il est difficile de savoir au premier abord s’il émane de lui-même ou du monde dans lequel il vit. Neuf mois nous séparent de la présidentielle et des législatives. Et les citoyens, dans leur immense masse, attendent sans attendre (et c’est bien là une partie du dilemme) une sorte de conversion de paradigme, exténués de se voir imposer des contraintes issues de constructions idéologiques qui ne correspondent plus à leurs aspirations: croissance, performance, compétition, marché, finance, fric, individualisme, nihilisme, autant de concepts qui ne sont là que pour justifier le capitalisme globalisé et sa nature reptilienne. Eux ont compris, jusque dans leurs chairs, que nous sommes à des années-lumière de la nécessaire recherche de la plus grande efficacité possible pour sécuriser la France et la prévenir de nouveaux crimes de masse.
Eux savent que, en alimentant tout ce qui peut les diviser, les apprentis sorciers du bal des faux-culs ne font que donner des armes à Daech et à ceux – nombreux à droite et à son extrême – qui rêvent d’un pays au bord de l’explosion et de la mort programmée «de la» politique, acceptant passivement que les grandes décisions se prennent ailleurs, du côté d’une ultraminorité qui se gave de dividendes. La France est grande, puissante: mais sa République agonise. Qui ne le sait désormais? Et qui ne comprend pas que l’établissement d’une nouvelle République est une urgence absolue, seule capable de refonder notre pays et de reprendre les pas de l’histoire? «Rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue», disait Victor Hugo. Il nous reste moins de neuf mois pour déjouer les pièges tendus par les classes dominantes. Et transformer l’idée en vague citoyenne.
[BLOC-NOTES publié dans l'Humanité du 2 septembre 2016.]
Il serait bon et lucide que nous appelions ("nous", gens de la vraie gauche), dans la logique de cet article, à un boycott de la présidentielle, seule position cohérente avec notre dénonciation du présidentialisme si funeste à la démocratie, et ce urgemment, plutôt que de s'éreinter et se perdre dans l'illusoire choix d'un candidat. Ainsi, d'emblée serait déblayé le vrai terrain politique, celui où se situe l'enjeu dans le cadre suranné de la Ve République: remporter les législatives !
RépondreSupprimerÀ te lire encore.
David Colimard, Vannes (56)