Aussi loin que plongent nos souvenirs, le capital symbolique du Tour de France reste un résidu de rêves à composantes multiples dont le seul prestige, acquis aux temps mythologiques, pourrait suffire à nos bonheurs conjugués. Mais nous n’en sommes plus là. Dans cette époque de banalisation des exploits et d’aseptisation des performances, comme s’il fallait occire les légendes en les renvoyant à de vulgaires produits manufacturés, le cyclisme a traversé tant d’épreuves infâmes que nous guettons, à la faveur du rendez-vous de juillet, des raisons de rehausser sinon de la passion, du moins un intérêt certain capable de rendre à la Grande Boucle son mode identificatoire, sans lequel elle ne nous parlerait plus d’un pays proche et d’un monde lointain. Le «monde lointain», nous le connaissons depuis des lustres: la triche, le dopage, la mafia, la mainmise des équipes étrangères survitaminées et à millions, qui maintiennent le «pays proche», à savoir la France, dans une impuissance à triompher non seulement dans les grandes épreuves du calendrier, mais également sur son théâtre privilégié. Seulement voilà: et si ce constat était déjà derrière nous?
jeudi 30 juin 2016
Tour: la fin des années de plomb pour le cyclisme français?
Depuis la victoire d’Arnaud Démare dans Milan-San Remo, le peloton s’habitue à l’idée que des Français puissent enfin tout regagner. Avec Pinot, Bardet, Barguil, Rolland et Alaphilippe, un changement d’époque arrive.
lundi 27 juin 2016
Classe(s): les ouvriers sont de retour
Pour la classe ouvrière, la colère ne l’emporte-t-elle pas sur la peur?
Ouvriers. Normal Ier a un problème. Un gros problème à la fois théorique et idéologique qui en dit long sur le sens même de sa filiation politique. Comme beaucoup d’hommes de sa génération, nourris à l’antimarxisme primaire, secondaire et tertiaire (croyez-nous sur parole), il a imaginé un peu vite, et sans doute de bonne foi, que la classe ouvrière – oui, oui, la classe ouvrière – s’était volatilisée avec le temps, émiettée et atomisée façon puzzle à la faveur du morcellement du monde du travail – sous-traitances, filiales, individualisation des parcours, externalisation, etc. Reconnaissons que tout pouvait donner raison aux contempteurs d’une économie sociale réinventée, disons à visage humain sinon en forme de socialisme, toutes les expériences ayant échoué, çà et là. Les ouvriers n’étaient plus la force motrice pouvant entraîner, par elle-même et par capillarité, un changement de base. Et puis, en ce printemps inédit, de mobilisation en mobilisation, de grèves en évolutions, des cheminots, des raffineurs, des électriciens, des employés de toutes fonctions, du public ou du privé, se sont rappelés au bon souvenir des oublieux en prouvant que la classe ouvrière restait un processus pertinent. Avouons-le: même nous avions tendance à en rejeter non pas l’idée mais le potentiel. Que voyons-nous, en effet? Du nombre, de l’unité, de la citoyenneté, des votations, de l’organisation, de l’interprofessionnel… Le philosophe Jacques Bidet l’expliquait l’autre jour dans Libération: «La bataille en cours est historique. On tente de se dire, là-haut, que ce n’est qu’un mauvais moment à passer, une conjoncture à affronter. Mais les conjonctures ne sont pas des faits du hasard, elles ont à voir avec des réalités structurelles têtues. Il n’est pas facile de tuer un syndicalisme de classe.»
mercredi 22 juin 2016
Etat de droit ?
Ne pas respecter la liberté de manifester aux syndicats... le pouvoir n'y a pas que pensé.
Comprenez bien ceci: le président de la République, son premier ministre et son ministre de l’Intérieur, tous censément «de gauche», ont tellement basculé dans le déni et l’autoritarisme pour imposer par la force leur loi travail qu’ils sont à deux doigts d’assumer de ne pas respecter la liberté de manifester aux syndicats… Qui aurait imaginé lire cette phrase, en 2016, dans un éditorial de l’Humanité? Certainement pas les électeurs de François Hollande, qu’ils aient cru ou non à un changement de paradigme, encore moins les fins connaisseurs des sacrements de notre République. Car l’entêtement de Hollande, irresponsable et dangereux pour l’avenir, achève de prouver qu’il est aux abois et lâché par ceux qui l’ont porté au pouvoir, un soir de second tour, en 2012. Mais il y a plus grave: l’interdiction éventuelle d’une manifestation syndicale, ce qui serait une première depuis 1958, reste une arme inconstitutionnelle digne des pires régimes de notre histoire, remettant en cause l’État de droit. Une arme indigne, donc, mais une arme à double tranchant. D’ailleurs, si l’on en croit certaines indiscrétions, des dissensions auraient vu le jour au sein même de l’équipe gouvernementale. Il semblerait que la transgression de cet interdit républicain en effraierait encore certains… Quelle audace!
dimanche 19 juin 2016
Violence(s): la peur du prérévolutionnaire
État et patronat disposent d’armes de répression massive. Comment y répondre?
Socle. Toujours, les puissants s’exonèrent au nom du bien public de la violence qu’ils exercent. Entendons-nous bien sur le sens du mot «violence», que nous utilisons là par commodité d’usage: en l’espèce, nous pourrions parler de «domination». Encore que. Car naturellement ces derniers accréditent cette «violence» comme la garantie même de ce bien public, alors qu’elle n’est rien d’autre que la garantie de leur pouvoir. L’argument de base est simple: obligation d’assurer la protection des personnes et des propriétés, autrement dit, leur sécurité. Respectée au pied de la lettre, cette apparence paraît assez conforme à la morale républicaine et, mieux, conforme au sacro-saint «ordre social». Seulement voilà, par glissements successifs –pas seulement sémantique–, deux cas de figure peuvent occasionner des dérapages et des dérives plus ou moins sournoises. Primo: la vraie nature de ces puissants se révèle lorsqu’un excès, quelle que soit sa forme, devient «violence» latente, qui ne simule d’être un service public ou d’intérêt général que pour asservir les citoyens. Secundo: quand cette «protection» ne concerne plus seulement son objet initial mais bien également la préservation, coûte que coûte, du système en place, fût-il ordo-libéral.
Socle. Toujours, les puissants s’exonèrent au nom du bien public de la violence qu’ils exercent. Entendons-nous bien sur le sens du mot «violence», que nous utilisons là par commodité d’usage: en l’espèce, nous pourrions parler de «domination». Encore que. Car naturellement ces derniers accréditent cette «violence» comme la garantie même de ce bien public, alors qu’elle n’est rien d’autre que la garantie de leur pouvoir. L’argument de base est simple: obligation d’assurer la protection des personnes et des propriétés, autrement dit, leur sécurité. Respectée au pied de la lettre, cette apparence paraît assez conforme à la morale républicaine et, mieux, conforme au sacro-saint «ordre social». Seulement voilà, par glissements successifs –pas seulement sémantique–, deux cas de figure peuvent occasionner des dérapages et des dérives plus ou moins sournoises. Primo: la vraie nature de ces puissants se révèle lorsqu’un excès, quelle que soit sa forme, devient «violence» latente, qui ne simule d’être un service public ou d’intérêt général que pour asservir les citoyens. Secundo: quand cette «protection» ne concerne plus seulement son objet initial mais bien également la préservation, coûte que coûte, du système en place, fût-il ordo-libéral.
jeudi 16 juin 2016
Valls-Hollande, le déshonneur
Porter atteinte au droit constitutionnel de manifester serait en effet l’apogée de la criminalisation syndicale...
Tout auditeur de France Inter, hier, a dû se demander dans quel pays il vivait en ce moment et qui était donc ce premier ministre à la haine si tenace que chacune de ses phrases nous renvoyait aux pires époques de notre histoire contemporaine. Le visage de Manuel Valls était fielleux. Quant aux mots qui accompagnaient son attitude gestuelle empreinte de morgue, ils portaient la marque de la bassesse, de l’infamie et du déshonneur. Au lendemain d’un puissant défilé, qui a un peu plus isolé le gouvernement dans son absurde guerre de tranchées à vouloir imposer coûte que coûte la loi travail en l’état, l’acharnement de Valls à associer les manifestants aux casseurs a pris cette fois des allures inacceptables. Car enfin! ces bandes de casseurs, organisés et repérés de longue date, ont pu semer la violence quasiment sans entrave, s’attaquant même à l’hôpital Necker, où, entre parenthèses, les employés subissent eux aussi les effets de l’austérité. La CGT et les autres syndicats sont-ils responsables de ces agissements, comme ne cesse de le répéter le gouvernement dans le seul but de discréditer le mouvement social dans son ensemble? Que faisaient les pouvoirs publics, capables de pourchasser les hooligans aux abords des stades, mais pas quelques dizaines d’illuminés connus et coupables d’actes inadmissibles? Concernant «sa» police, M. Valls ne s’explique pas. Mais ce n’est pas tout. Répondant à un auditeur qui s’étonnait de son animosité envers la CGT, l’hôte de Matignon osa le parallèle entre la mort atroce des deux policiers et le conflit social en cours. Une instrumentalisation scandaleuse et irresponsable. Indigne de la fonction.
lundi 13 juin 2016
Communautarisme: Benzema, le football et les origines...
L’agitation qui a suivi le propos de Benzema raconte d’abord la place exorbitante prise par ce sport dans notre société, mais elle témoigne aussi, en miroir et en ombre projetée, que le pays est malade socialement et avachi culturellement par des débats mortifères.
Francitude. Ceux qui parlent fort n’ont souvent rien à dire et masquent par l’outrance et le bruit leurs pensées en mode mineur – l’un des aspects de l’incivilité croissante. Ceux qui parlent pour rien montrent leurs faiblesses – souvent le propre des élites. Et ceux qui font parler leur inconscient au-delà du raisonnable n’expriment que des blessures qui oscillent entre deux sentiments, l’humiliation ou la haine – à moins que ce soit les deux. Autant l’avouer, le malaise et les doutes du bloc-noteur sont intenses depuis les déclarations du footballeur Karim Benzema. Dans quelle catégorie classer le joueur du Real Madrid quand il estime que Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus, a «cédé à la pression d’une partie raciste de la France» en ne le retenant pas dans l’équipe pour l’Euro? L’agitation qui s’en est suivie raconte d’abord la place exorbitante prise par ce sport dans notre société, qui n’échappe en rien à ses tourments les plus profonds. Mais pas seulement, hélas. Elle témoigne aussi, en miroir et en ombre projetée, que le pays, malade socialement et avachi culturellement par des débats mortifères, reste obsédé, sinon hanté par les peurs communautaristes. Le foot comme élévation sociale? Comme modèle d’intégration? Comme cohésion nationale? Mon dieu qu’il semble loin le temps du «black-blanc-beur» scandé sur tous les tons et de cette France glorifiant les héritiers de l’immigration, quels qu’ils soient, de l’«Algérien» Zidane à l’«Italien» Platini, en passant par le «Polonais» Kopa, tous associés pour l’histoire et dans le même moule, un soir de juillet 1998, abolissant les barrières du temps, des différences et des origines, quand se dressaient sur les Champs-Élysées les drapeaux de toutes les couleurs… Souvenons-nous. À l’époque, seul le front nationaliste de Papa-le-voilà osait répudier cette équipe et ses filiations, renvoyant tous ces héros au statut d’« étrangers ». En insultant Zizou ou Karembeu, Djorkaeff ou Thuram, ils insultaient la France jusque dans sa chair. Ils insultaient la République elle-même.
Francitude. Ceux qui parlent fort n’ont souvent rien à dire et masquent par l’outrance et le bruit leurs pensées en mode mineur – l’un des aspects de l’incivilité croissante. Ceux qui parlent pour rien montrent leurs faiblesses – souvent le propre des élites. Et ceux qui font parler leur inconscient au-delà du raisonnable n’expriment que des blessures qui oscillent entre deux sentiments, l’humiliation ou la haine – à moins que ce soit les deux. Autant l’avouer, le malaise et les doutes du bloc-noteur sont intenses depuis les déclarations du footballeur Karim Benzema. Dans quelle catégorie classer le joueur du Real Madrid quand il estime que Didier Deschamps, le sélectionneur des Bleus, a «cédé à la pression d’une partie raciste de la France» en ne le retenant pas dans l’équipe pour l’Euro? L’agitation qui s’en est suivie raconte d’abord la place exorbitante prise par ce sport dans notre société, qui n’échappe en rien à ses tourments les plus profonds. Mais pas seulement, hélas. Elle témoigne aussi, en miroir et en ombre projetée, que le pays, malade socialement et avachi culturellement par des débats mortifères, reste obsédé, sinon hanté par les peurs communautaristes. Le foot comme élévation sociale? Comme modèle d’intégration? Comme cohésion nationale? Mon dieu qu’il semble loin le temps du «black-blanc-beur» scandé sur tous les tons et de cette France glorifiant les héritiers de l’immigration, quels qu’ils soient, de l’«Algérien» Zidane à l’«Italien» Platini, en passant par le «Polonais» Kopa, tous associés pour l’histoire et dans le même moule, un soir de juillet 1998, abolissant les barrières du temps, des différences et des origines, quand se dressaient sur les Champs-Élysées les drapeaux de toutes les couleurs… Souvenons-nous. À l’époque, seul le front nationaliste de Papa-le-voilà osait répudier cette équipe et ses filiations, renvoyant tous ces héros au statut d’« étrangers ». En insultant Zizou ou Karembeu, Djorkaeff ou Thuram, ils insultaient la France jusque dans sa chair. Ils insultaient la République elle-même.
mercredi 8 juin 2016
L'histrion et la grève
Quand François Hollande ampute une citation de Maurice Thorez...
C’est vilain, de jouer les histrions. Surtout pour le chef d’État d’un pays comme la France, si scrupuleux avec son passé et le référencement quasi sacré des paroles ancrées dans les souvenirs collectifs. Mal en a pris à François Hollande de piocher dans un lexique pour lui inconnu, emprunté à une autre époque et à une authentique gauche. «Il faut savoir arrêter une grève», déclare donc le président dans une interview publiée par la Voix du Nord. La formule, devenue citation au fil du temps, est célèbre. À condition de ne pas la tronquer de sa partie essentielle! Loin de nous l’idée de réhabiliter dans son intégrité le talent oratoire du communiste Maurice Thorez –ce dernier n’en a pas besoin–, mais chacun admettra volontiers que l’hôte du Palais n’est plus à une souillure près, comme si s’exprimait en lui un amoncellement de poches à rancune et de comptes à régler avec sa propre histoire. Soyons précis. En juin 1936, en plein Front populaire, Maurice Thorez déclarait, peu après la signature des accords de Matignon: «Il faut savoir arrêter une grève dès que satisfaction a été obtenue.» N’est-ce pas le propre des grèves que de parvenir à la satisfaction des revendications, et de s’en réjouir si tel est le cas? Le président devrait savoir qu’on ne triche pas avec certaines phrases, surtout en plein conflit social majeur. Sauf à exprimer son mépris envers le peuple. Or un peuple, c’est une histoire longue, ou plus exactement l’unité de cette histoire.
dimanche 5 juin 2016
Ali : un nom qui changea la boxe et le monde
Le plus grand boxeur de tous les temps s’est éteint, vendredi 3 juin, à l’âge de 74 ans, vaincu par trente-deux années de combat contre la maladie de Parkinson. Il était surtout l’une des consciences des Noirs américains, inlassable militant des droits civiques.
«Je m’appelle comment? Alors, comment je m’appelle?» L’œil félin, le corps tendu et la bouche en avant d’où émerge un protège-dents maintenu en suspension au bout d’une langue insolente et insatiable, il lève le poing, frappe, répète les mêmes mots, «je m’appelle comment?», puis cogne de nouveau non plus pour assourdir mais pour faire mal, l’autre ploie mais lui, il est beau, oui, si beau dans sa rage qu’il ne parle plus le langage de la boxe mais celui de l’homme libre. Il frappe, frappe fort et précis dans sa brutalité, il danse autour de son adversaire jusqu’à l’épuisement de son propre orgueil. «Je m’appelle comment?» Et le miracle opère: dans la violence inouïe de ses gestes, à la limite de la cruauté, se niche de la dignité. Nous sommes en 1967. Face à lui, Ernie Terrell n’a pas compris le genre d’homme qui lui assène des directs du droit et du gauche avec la grâce et la lueur d’un ange. Terrell avait décidé de jouer sur la susceptibilité d’Ali en refusant catégoriquement, avant leur combat et durant les premiers rounds, de l’appeler par son nouveau nom. Il lui dit «Cassius Clay». Muhammad Ali voit rouge et broie du noir, leur couleur de peau pourtant commune. Il décide de ne pas le mettre KO, de l’emmener au-delà de la souffrance, de l’humilier. Pour que l’information pénètre son cerveau martelé. Terrell jette l’éponge au 15e round, saoulé par les coups. Il a enfin compris. Ali a tué Clay depuis longtemps. Sur un ring, plus personne n’osera jamais l’appeler par son nom d’esclave.
vendredi 3 juin 2016
Haine(s): le conflit social par les coulisses
« Je ne pensais pas que le gouvernement irait si loin », dit un conseiller d’État socialiste…
Classe. On pardonnera volontiers au bloc-noteur une tendance –sinon maladive du moins appréciative– à écouter parler ceux qui, en coulisses, donnent souvent la tonalité d’un climat ambiant par temps de crise. Quelques coups de téléphone suffisent parfois. Face à la montée de l’exaspération sociale contre la loi travail (et bien au-delà, reconnaissons-le), une espèce de haine se déchaîne à l’encontre des salariés, syndicalistes ou non, qui se dressent dans la lutte, quels qu’en soient la forme et les modes d’action, dont nous aurons remarqué qu’ils n’ont pas encore emprunté le chemin d’une grève générale – cela ne se décrète pas – mais bien d’une généralisation des grèves. Une haine donc, si tenace et si puissante qu’il ne sert plus à rien d’en psychologiser les raisons, tant elles puisent loin dans les racines antisociales à la française. De même, il devient inutile de chercher à comprendre pourquoi et comment la malveillance envers la CGT atteint un tel paroxysme, au point que nous avons tout entendu, tout lu à l’encontre du premier syndicat du pays. Sans parler de Philippe Martinez lui-même, accusé de tous les maux, «stalinien» n’étant pas le moins insultant, d’autant qu’il ne parcourt pas seulement les couloirs du Medef mais se diffuse également de palais ministériels en boudoirs de la haute fonction publique. Ainsi cet interlocuteur, conseiller technique rue de Grenelle, socialiste jospiniste pur sucre devenu, de son propre aveu, «libéral» au fil des années, qui, après avoir lu un portrait au vitriol du numéro 1 cégétiste dans le Monde, déclare tout de go: «Je partage à 100% ce qui est écrit, je me suis bien marré en parcourant cet article! Ce Martinez est en effet une sorte de “général Tapioca”, celui de Tintin, il utilise sa centrale comme au temps de la guerre froide, non pas comme une arme de conquête mais comme un bouclier, pour protéger ce qui ne peut plus l’être.» À la question: «Et qu’est-ce qui ne peut plus être protégé?», notre interlocuteur répond sans ciller: «Le Code du travail, pardi! Car c’est désormais un frein pour les entreprises.» Vous avez bien lu…
Classe. On pardonnera volontiers au bloc-noteur une tendance –sinon maladive du moins appréciative– à écouter parler ceux qui, en coulisses, donnent souvent la tonalité d’un climat ambiant par temps de crise. Quelques coups de téléphone suffisent parfois. Face à la montée de l’exaspération sociale contre la loi travail (et bien au-delà, reconnaissons-le), une espèce de haine se déchaîne à l’encontre des salariés, syndicalistes ou non, qui se dressent dans la lutte, quels qu’en soient la forme et les modes d’action, dont nous aurons remarqué qu’ils n’ont pas encore emprunté le chemin d’une grève générale – cela ne se décrète pas – mais bien d’une généralisation des grèves. Une haine donc, si tenace et si puissante qu’il ne sert plus à rien d’en psychologiser les raisons, tant elles puisent loin dans les racines antisociales à la française. De même, il devient inutile de chercher à comprendre pourquoi et comment la malveillance envers la CGT atteint un tel paroxysme, au point que nous avons tout entendu, tout lu à l’encontre du premier syndicat du pays. Sans parler de Philippe Martinez lui-même, accusé de tous les maux, «stalinien» n’étant pas le moins insultant, d’autant qu’il ne parcourt pas seulement les couloirs du Medef mais se diffuse également de palais ministériels en boudoirs de la haute fonction publique. Ainsi cet interlocuteur, conseiller technique rue de Grenelle, socialiste jospiniste pur sucre devenu, de son propre aveu, «libéral» au fil des années, qui, après avoir lu un portrait au vitriol du numéro 1 cégétiste dans le Monde, déclare tout de go: «Je partage à 100% ce qui est écrit, je me suis bien marré en parcourant cet article! Ce Martinez est en effet une sorte de “général Tapioca”, celui de Tintin, il utilise sa centrale comme au temps de la guerre froide, non pas comme une arme de conquête mais comme un bouclier, pour protéger ce qui ne peut plus l’être.» À la question: «Et qu’est-ce qui ne peut plus être protégé?», notre interlocuteur répond sans ciller: «Le Code du travail, pardi! Car c’est désormais un frein pour les entreprises.» Vous avez bien lu…