Serge Aurier et Laurent Blanc. |
Désolation. Ne soyons donc pas naïfs et souvenons-nous de la diatribe minable du nouvel académicien Alain Finkielkraut, quelques années en arrière, quand, avec d’autres, il fustigeait une sélection nationale «black, black, black», stigmatisant les quartiers populaires et ceux qui y vivent par un sous-entendu: ce n’est plus la France. Attention danger. Ce qui arrive avec Serge Aurier depuis une semaine est de même nature. D’où l’origine de notre désolation. Voilà surtout pourquoi le joueur du PSG n’a pas fait du mal qu’à sa propre personne –et à Laurent Blanc au passage– mais bien, au-delà de lui, à tous ceux qui se reconnaissent en lui, en mode identificatoire, ceux des quartiers, les minables, les moins que rien, les mal éduqués, les mal nourris, les exploités, les miséreux, les oubliés de la République, oui, ceux qui constituent la plus grande partie de la jeunesse de France, que ça plaise ou non! En parlant comme on peut le faire devant son poste de télévision («Aux chiottes l’OM», «Aulas, enculé!», «Parisien, j’ai niqué ta mère, sur la Cane-Cane-Canebière», etc.), Aurier n’a pas insulté que son coach. Il a insulté ceux qu’il aime sincèrement, à Sevran ou ailleurs, parce qu’il est des leurs et qu’il continue de les soutenir par tous les moyens, comme nous le montrent de très nombreux témoignages émouvants le concernant. Oui, il les a insultés parce que ce sont eux, et toujours eux, qui seront encore visés. Il les a insultés, parce que, indirectement, il offre une tribune en or à tous les réacs, qui n’en ont pourtant pas besoin, mais ne manqueront pas de l’utiliser. Facile, de maudire ces footballeurs récidivistes. À ceci près. Si Serge Aurier est inexcusable –«fiotte» est bel et bien une insulte à caractère homophobe–, le sport le plus populaire ne saurait être considéré comme hors-sol. Le football ne produit pas plus d’homophobes que dans le reste de la société, il suffit pour s’en convaincre de regarder autour de soi (sans commentaire). Un jour, Laurent Blanc avait déclaré que les Espagnols pouvaient développer un jeu rapide parce qu’ils n’avaient «pas de grands Blacks». Il a été pardonné depuis (mais pardonné par qui, au fait?). Quant à Serge Aurier, il a toujours été considéré comme un «camarade exemplaire», que ce soit à Sevran, Lens, Toulouse ou au PSG. Un bon camarade qui vient de raconter n’importe quoi, mais mérite mieux que de finir comme les Anelka, Ribéry ou Benzema, qui, eux, ne sont plus du tout représentatifs des quartiers populaires et incarnent désormais le pire du je-m’en-foutisme friqué…
[BLOC-NOTES publié dans l’Humanité du 19 février 2016.]
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire