Pour Umberto Eco, l’écriture d’articles s’astreint désormais à deux règles, à ses yeux antagonistes, choisir l’une ou l’autre en modifie d’ailleurs l’intention même: "Soit vous construisez votre lecteur, soit vous suivez son goût présupposé avec des études d’opinions."
Et puis, surtout? Courez voir Spotlight...
Et puis, surtout? Courez voir Spotlight...
Écrire. Lecture fascinante d’une longue interview donnée par le regretté Umberto Eco au Monde, en mai 2015, et republiée opportunément après sa disparition. Le sémiologue, philosophe et écrivain y évoquait la place du journalisme dans sa vie –il se plaisait à citer Hegel, selon lequel la lecture des journaux reste «la prière quotidienne de l’homme moderne»– et plus généralement l’importance de cette profession dans le ventre idéologique de nos sociétés conditionnées par la parole formatée. Pour Umberto Eco, l’écriture d’articles s’astreint désormais à deux règles, à ses yeux antagonistes, choisir l’une ou l’autre en modifie d’ailleurs l’intention même: «Soit vous construisez votre lecteur, soit vous suivez son goût présupposé avec des études d’opinions. Des livres disent “je suis comme toi”, d’autres “je suis un autre”. Il faut éviter cette uniformisation du style à laquelle nous assistons, exigée par la nouvelle industrie des médias. (…) On dit que la littérature sert à tenir en exercice le langage, mais la presse devrait avoir le même but. Le poncif paralyse la langue.» Et l’auteur du Nom de la rose ajoutait: «Maintenant, les principales informations peuvent se réduire à une seule colonne du journal, comme le fait le New York Times. C’est pour cette raison que la presse exigeante doit approfondir l’actualité, faire de la place aux idées. (…) Le journalisme doit contribuer à déjouer le règne du faux et de la manipulation. Ce doit être l’un de ses combats, comme celui de faire vivre l’esprit critique, loin du nivellement et de la standardisation de la pensée.»
Enquête. Du journalisme au grand écran: courez voir "Spotlight"! À bien des égards, le film de Tom McCarthy talonne et/ou dépasse les Hommes du président, le mythique récit de l’affaire du Watergate. Cette fois, l’action se passe en 2001, à Boston. Sous l’impulsion d’un nouveau rédacteur en chef plutôt taciturne, qui se voit propulsé à la tête du journal pour sauver les ventes, une petite équipe d’enquêteurs (quatre) du quotidien Boston Globe, réunie sous le nom de code «Spotlight», sont incités par leur nouveau patron à relancer un dossier oublié mais brûlant: les agressions sexuelles subies par des enfants, perpétrés au sein de l’Église.