mercredi 4 novembre 2015

Faire barrage à la Commission, qui s'attaque à EDF

Privatisez! Privatisez! Car, voyez-vous, le marché national des barrages est juteux, près de 2,5 milliards d’euros d’excédents par an.
 
Les rapports de la Commission européenne sont souvent des sommets de cynisme à usage libéral. L’un des derniers en date, que l’Humanité s’est procuré en exclusivité, a la saveur d’un scandale éhonté et toute l’apparence d’un cheval de Troie supplémentaire… Une soixantaine de pages adressées au gouvernement français dans lesquelles les proconsuls de Bruxelles somment la France de libéraliser les concessions hydroélectriques. Pas de quoi fouetter un chat, penseraient beaucoup de candides. Sauf à y regarder de plus près. Car les fameuses concessions hydroélectriques, autrement dit les barrages qui constituent ça et là des éléments de décor de nos territoires, sont confiées pour l’essentiel à l’opérateur national, EDF. La Commission n’y va pas par quatre chemins: au nom de la sacro-sainte «concurrence libre et non faussée» –qui n’est qu’une concurrence non libre et faussée–, les autorités françaises disposent de deux mois pour lancer la mise en vente desdites concessions! En 2010, Sarkozy et Fillon s’y étaient engagés; Hollande et Valls n’ont depuis rien changé. Comble de l’ironie, EDF ne pourrait même plus participer aux futurs appels d’offres…
 
Privatisez! Privatisez! Car, voyez-vous, le marché national des barrages est juteux, près de 2,5 milliards d’euros d’excédents par an. L’argent de la collectivité en somme. Or, depuis longtemps, les consortiums privés s’activent en coulisses, salivent et s’impatientent que la déréglementation s’abatte enfin sur ce bien national. Ils sont venus à bout de GDF, ils s’attaquent aujourd’hui à EDF par l’un de ses piliers stratégiques, qui ne représente pas moins de 14% de la production d’électricité du pays et la quasi-totalité de la production nationale d’énergie renouvelable. Cette perspective constitue d’ores et déjà la plus grave menace contre l’indépendance énergétique de la France. La preuve: cette mise en demeure s’ajoute à la fin des tarifs réglementés de l’énergie, début 2016. En voulant abattre le modèle public d’EDF, la Commission veut en finir avec l’idée même de service public, quel que soit le secteur. Et en finir avec l’universalité des services, l’un des derniers remparts à une économie de marché profondément inégalitaire. 
 
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 4 novembre 2015.]

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