mercredi 7 octobre 2015

Soyons à contre-courant: oui aux 32 heures !

Que cela plaise ou non aux thuriféraires du libéralisme ambiant, qu’ils soient de droite ou de pseudo-gauche, le passage de 39 à 35 heures de travail hebdomadaires a permis de créer 350000 emplois directs.
 
Dans le discernement du «grondement de la bataille sociale qui se mène de face», comme disait Pierre Bourdieu, il est des moments où les idées à contre-courant ont une valeur universelle et élèvent la démocratie. Il en est ainsi du débat, venu du fond des âges postindustriels, sur la réduction du temps de travail. Depuis quelques années, la simple évocation de ce sujet comme possibilité de repenser le monde du travail et son partage vous valait les anathèmes les plus violents. Vous étiez sitôt classés parmi les archéo-utopistes, taxés d’hérésie dans le monde performatif et compétitif qui est le nôtre… Seulement voilà, toutes les études récentes et sérieuses, comme celle conduite par la députée socialiste Barbara Romagnan, ont montré que la seule réforme qui a créé massivement de l’emploi en France depuis trente ans, c’est bien la réduction du temps de travail. Que cela plaise ou non aux thuriféraires du libéralisme ambiant, qu’ils soient de droite ou de pseudo-gauche, le passage de 39 à 35 heures de travail hebdomadaires a permis de créer 350.000 emplois directs.
 
Depuis des mois, malgré l’indifférence et le mépris des médias et des communicants dominants, la CGT a le courage et l’obstination visionnaire de porter la revendication des 32 heures, sachant que les salariés français, en moyenne et en temps effectif, travaillent toujours 39,2 heures par semaine. Alors que la montée des incertitudes sociales n’a jamais été aussi puissante (le temps partiel subi touche près de 15% des employés), alors que les perspectives induites par l’hyper-robotisation des tâches d’ici à 2025 pourraient détruire des millions de postes dans tous les secteurs d’activité, l’audace consiste à ne pas renoncer à un choix de société radicalement différent. Les progrès technologiques ne s’arrêteront pas et devraient permettre de libérer les individus de tâches pénibles et répétitives pour s’orienter vers l’innovation et la créativité, et non conduire à la destruction de l’employabilité et à l’avilissement. Pour que cet avenir ne soit pas une enfer social version Medef, il passe obligatoirement par une réduction du temps de travail. C’est un enjeu de civilisation, ni plus ni moins.
 
[EDITORIAL publié dans l’Humanité du 8 octobre 2015.]

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